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Página/12 a attendu ce jour pour publier son supplément sur le Bicentenaire : la raison en est simple. Le quotidien poil à gratter du paysage politique et médiatique argentin a attendu les 23 ans de sa propre fondation pour fêter les deux anniversaires en même temps et ça valait le coup d’attendre.
Página/12 a réuni 22 auteurs, écrivains, journalistes, historiens, responsables culturels, et leur a demandé à chacun de raconter son bicentenaire à la première personne.
Parmi les auteurs qui se sont prêtés au jeu, l’actuel Secrétaire d’Etat à la Culture, José Coscia, qui parle des Trois mois de Mai (Tres Mayos), c’est-à-dire le mois de mai 1810, celui de 1910 et celui de 2010, ainsi que le grand historien Osvaldo Bayer, octogénaire, qui s’en va A la recherche du Temps perdu (En busca del tiempo perdido).
La couverture du supplément est due à Daniel Paz, qui parodie une célèbre toile italienne (remarquez qu’il n’a pas choisi un peintre espagnol !). L’Argentine nouvelle née y est représentée par Vénus, ce qui est proche d'une vieille allégorie utilisée par les poètes du tango dans les années antérieures à Perón : quand ils parlent d’une femme qui s’est vendue à un riche protecteur au lieu de rester sagement fidèle à un brave ouvrier de fiancé éperdument amoureux, les poètes parlent en fait à mots couverts de cette Argentine institutionnelle qui trompait de façon éhontée les immigrants en les séduisant avec des mensonges et en les abandonnant ensuite pour vendre ses charmes (ses ressources) aux grands puissances commerciales de l’hémisphère nord (la Grande-Bretagne jusqu’au milieu des années 30 puis de plus en plus les Etats-Unis).
A la gauche de Vénus, le militaire ressemble bigrement à San Martín mais il pourrait tout aussi bien être Cornelio Saavedra, qui fut le président de la Primera Junta, nommée le 25 mai 2010 (voir mon article du 25 mai sur cette journée historique) ou n’importe quel grand héros militaire de l’indépendance (ils ont été nombreux).
A sa droite, une Indienne qui pourrait rappeler la regrettée Mercedes Sosa. Les Indiennes ont joué un grand rôle au 18ème et 19ème siècles dans le métissage originelle de la société argentine. Elles étaient les compagnes des gauchos, car aucune femme blanche ne voulait vivre la vie rude et souvent nomade de nombreux gauchos, ces vachers ou ces guardians qui ont construit l’identité de l’Argentine rurale. Ce sont eux qui ont apporté en ville, à Buenos Aires, la dénomination de china désignant les femmes (jeunes en général) : mi china, dans la bouche du gaucho de passage à Buenos Aires, pour livrer son troupeau à l’abattoir pour les fabricants de cuir, c’était sa femme, indienne, restée dans leur masure de la Pampa. Ils les disaient chinoises à cause de la forme légèrement bridée de leurs yeux... Le groupe féminin China Cruel, dont je vous parle quelquefois dans Barrio de Tango, tire leur nom d’un tango où un ouvrier se plaint du comportement sans pitié à son égard de sa china (voir mes articles sur China Cruel, en cliquant sur le raccourci dédié à ces dames dans la rubrique Vecinos del Barrio, dans la partie haute de la Colonne de droite).