Affiche Francisco Torné
Le 18 mai prochain, cela fera 35 ans tout juste que le compositeur et bandonéoniste Aníbal Troilo quittait ce monde. Il avait à peine 61 ans. Il était né le 11 juillet 1914 à Buenos Aires dans son cher quartier de l’Abasto et c’est aussi à Buenos Aires qu’il est mort ce 18 mai 1975, peu avant minuit, emporté par une embolie cérébrale, à l’Hôpital Italien de la rue Gascón (Almagro).
C’est en mémoire de ces trente-cinq ans d’absence que la Orquesta del Tango de la Ciudad de Buenos Aires prépare actuellement un grand concert qui aura lieu mardi prochain, 18 mai 2010, à 20h30, au Teatro Alvear, Corrientes 1659. Entrée : 10 $.
A ce concert, placé sous les auspices du Ministère de la Culture du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires et organisé par la Direction Générale de la Musique, participeront les trois chefs d’orchestre titulaires de cet ensemble de 32 musiciens : les Maestros Raúl Garello, Néstor Marconi et Juan Carlos Cuacci, qui assureront aussi les arrangements des pièces prévues au programme.
Les présentations seront assurées, comme toujours, par Oscar del Priore et c’est le chanteur titulaire de l’orchestre, Marcelo Tommasi, qui officiera en qualité de soliste.
Que nous annonce-t-on au programme de cette soirée ?
Che, Buenos Aires de Raúl Garello, Bandoneón arrabalero*, de Juan Deambroggio (sans doute en version instrumentale, sans le texte de Pascual Contursi), Che bandoneón* de Homero Manzi pour les paroles et Aníbal Troilo pour la musique, Negro nacarado (1) de Eduardo Lettera pour les paroles et Néstor Marconi pour la musique, Responso de Aníbal Troilo (2), La última curda* de Cátulo Castillo pour les paroles et Aníbal Troilo pour la musique, Ojos negros de Vicente Greco, Toda mi vida* de José María Contursi pour les paroles et Aníbal Troilo pour la musique, El Gordo triste* de Horacio Ferrer pour les paroles et Astor Piazzolla pour la musique, Pa’ que bailen los muchachos de Aníbal Troilo, A Homero* de Cátulo Castillo pour les paroles et Aníbal Troilo pour la musique (3).
Il est prévu que Néstor Marconi, au bandonéon solo, rende un Homenaje a Troilo, sous la direction de Raúl Garello et que Raúl Garello, comme bandonéoniste soliste, interprète quant à lui une Selección Piazzolla, avec l’orchestre placé cette fois-ci sous la direction de Néstor Marconi.
Ce concert promet donc d’être une soirée mémorable. Si vous séjournez actuellement à Buenos Aires, il n’y a pas une minute à perdre pour réserver vos places aux guichets de l’Alvear.
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Dans la Colonne de droite, dans la partie basse, dans la rubrique Troesmas (Maestro en verlan), vous trouverez le site officiel d’Aníbal Troilo, qui est tenu et animé par les petits-enfants de sa femme, les frères et soeur Torné, auxquels on doit l’affiche qui illustre cet article et qui dirigent également le label discographique Pichuco Records.
Pour en savoir plus sur Aníbal Troilo, en français, vous pouvez vous reporter à mon livre où je passe quelque temps sur cette figure fondatrice du tango argentin (Barrio de Tango, ed. du Jasmin) et en espagnol, je vous conseille la lecture de l’épaisse et très complète biographie qu’Horacio Ferrer vient de publier à Buenos Aires sous le titre de El Gran Troilo, chez Ediciones del Soñador (vente en ligne chez Zivals et d’autres libraires portègnes, voir Colonne de droite, rubrique Les commerçants del Barrio de Tango). Vous en saurez plus sur cette biographie en vous reportant à l’article que j’avais publié sur sa présentation en septembre à la librairie Zivals puis en octobre à la Academia Nacional del Tango l’année dernière.
(1) Ce morceau (que je ne connais pas) est un hommage au bandonéon, c’est sûr ! Negro à Buenos Aires, c’est un terme affectueux qui permet de désigner quelqu’un qu’on aime bien. On pourrait traduire alors en français : ce brave ami, ce brave type, cette vieille canaille (on peut toutefois se servir aussi du terme comme d’une insulte, mais ce n’est pas le cas ici). Et l’adjectif nacarado vient de nacar, la nacre. C’est une allusion aux ornementations de nacre avec laquelle la famille Arnold embellissait les instruments qu’elle fabriquait en Saxe et exportait à Buenos Aires. C’est à cela que je comprends qu’il s’agit d’un hommage à l’instrument, en dehors du contexte qui aide aussi. Comme voulez-vous que dans un hommage à Troilo, il n’y en ait pas un aussi à l’instrument dont il a été l’un des plus grands maîtres...
(2) Responso (1951) et Adiós Nonino (1959) sont deux morceaux presque rituels que la Orquesta del Tango joue lorsqu’il s’agit de rendre hommage à un mort. Adiós Nonino parce que c’est le morceau que le chagrin a inspiré à Astor Piazzolla à la mort de son père, surnommé Nonino, et Responso, parce que c’est le morceau composé par Aníbal Troilo pendant la veillée funèbre de Homero Manzi, un de ses plus chers amis, le 3 mai 1951. Troilo avait soudain quitté le siège de la Sadaic où avait été dressée la chapelle ardente du poète pour rentrer chez lui poser ce morceau sur une partition et puis il était revenu, pleurant toutes les larmes de son corps, pour la levée du corps et les obsèques. Il n’a que rarement enregistré et joué ce morceau. Son exécution le renvoyait toujours à son chagrin et il ne pouvait pas le jouer sans se mettre à pleurer.
(3) Tous les titres marqués d’un astérisque sont présentés en version bilingue espagnol-français dans Barrio de Tango, publié aux Editions du Jasmin (mai 2010).