Après que la chambre pénale de la Cour de Cassation ait prononcé, sous conditions de garantie de représentation, la levée d’écrou d’une vingtaine de personnes inculpées de crimes relatifs à des actes de barbarie commis pendant la dernière Dictature, la Cour Suprême d’Argentine, auprès de laquelle le Ministère public a fait appel de la décision en cassation, vient de réagir institutionnellement (le président de la Cour avait manifesté son indignation dès le lendemain du jugement). La Cour Suprême vient d’annoncer la création d’une unité de contrôle (Superintendencia) des procédures pénales aux fins d’accélérer les instructions dont elle juge que les lenteurs excessives (qui autorisent la Cour de Cassation à remettre en liberté des inculpés à cause d’une trop longue période de prison préventive) sont dues à des procédures trop formelles, malades de trop de solutions dilatoires, et à l’absence de certaines mesures que devraient prendre le Gouvernement, le Parlement et le Conseil de la Magistrature.
Comme ça, tout le monde en prend pour son grade. Il n’y a pas de jaloux.
La Cour Suprême exige aussi la création de nouveaux tribunaux, pour désengorger ceux qui existent déjà, le raccourcissement des délais d’organisation des concours pour pourvoir aux postes vacants dans les tribunaux existants (évalués actuellement à environ 170 postes non pourvus, ce qui fait beaucoup dans un pays de 39 millions d’habitants), l’installation de mesures de sécurité dans les salles d’audience (ça évitera aux accusés de filer à l’anglaise un peu facilement ou aux parties de se faire menacer hors séance) et une réforme législative des procédures pénales elles-mêmes. Vaste chantier !
Cependant un rapport de la Cour Suprême prend aussi acte du travail d’investigation qui s’est réalisé en Argentine, à l’initiative du seul pouvoir judiciaire, le plus étendu au monde pour punir des crimes contre l’humanité (il faut toujours se méfier quand les Argentins disent qu’ils sont les meilleurs au monde, ce n’est pas toujours le cas !) et que les problèmes qui subsistent, après l’annulation des lois d’impunité, sont des inconvénients d’ordre pratique qui requièrent pour être résolus un haut niveau de coordination entre les trois branches du pouvoir de l’Etat. La magistrature et le système judiciaire s’en tirent donc à bon compte pour cette fois, la Cour Suprême aurait pu critiquer leur travail et donner quelque poids aux rumeurs de corruption qui continuent de circuler, à tort ou à raison. Le système judiciaire argentin a été si corrompu jusqu’en 1983 que ces rumeurs pourraient bien persister longtemps après que tous les juges soient tous devenus des parangons de vertu.
La Cour Suprême presse également le système judiciaire de s’informatiser, ce pourquoi il semblerait que le Parlement n’ait pas encore voté les lois qui rendent la chose légale mais tout serait prêts dans les palais de justice de la République...