C’est la suite tout à la fois absurde et logique d’un malentendu qui dure maintenant depuis plusieurs mois entre les caciques de la gauche uruguayenne et le Président de la République issu pourtant de ses rangs. Presque en même temps, il y a quelques semaines Tabaré Vázquez, un des acteurs principaux du retour à la démocratie en Uruguay et actuellement chef de l’Etat de ce voisin oriental de l’Argentine, avait annoncé d'une part qu’il refusait qu’on le force à se représenter à la Présidence de la République dans un pays où la Constitution actuelle n’admet qu’un seul mandat et d'autre part qu’il mettrait son veto à la loi-programme de santé pour la sexualité et les questions de reproduction si elle comportait la partie dépénalisant l’avortement.
Et il a tenu parole. Il a tué dans l’oeuf la campagne de mobilisation de l’opinion publique que ses partisans étaient en train de lancer en faveur de sa réélection et, malgré les pressions de gauche de toute nature, il a refusé, avec le soutien de sa ministre de la santé, la promulgation de la loi puisque la dépénalisation de l’avortement en faisait partie. Au grand dam des partis du Frente Amplio, une vaste fédération de gauche dont le Parti Socialiste fait partie depuis plusieurs décennies.
Nonobstant, les socialistes ont continué à soutenir l’homme, malgré leur incompréhension quant à son opposition de conscience, cherchant par tous les moyens à conserver dans leurs rangs un homme qu’ils considèrent comme le Président le plus populaire de toute l’histoire argentine. Ils avouaient alors n’avoir avec le Président que des différends ponctuels (comme l’avortement). Le Parti Socialiste d’Uruguay est historiquement favorable à la dépénalisation de l’avortement et la décision du Président de la République a pris de court les dirigeants de ce parti. Mais aussi étonnant que cela puisse nous paraître, il est vrai que la colère et de la déception des partisans de la dépénalisation de l’avortement face à l’échec de cette loi, passée d’un cheveu au Parlement mais bel et bien passée à la majorité, n’a pas entamé le capital de sympathie du Président, dont la personne est restée particulièrement préservée tout au long de la bataille.
Mais le parti socialiste vient de se choisir pour candidat à l’élection présidentielle (ou plutôt et plus probablement pour candidat à la candidature présidentielle au nom du FA) un homme qui n’était pas le poulain de Tabaré. Tabaré soutenait son ancien ministre de l’économie, Danilo Astori, l’un de ceux qui s’étaient mis sur les rangs aussitôt après l’annonce du retrait irrévocable de Vázquez, et le PS a choisi Daniel Martínez.
Le Président, surprenant à nouveau tout son monde, a décidé de quitter le PS par respect, dit-il, pour ses militants avant qu’ils n’aient à se prononcer lors du congrès du Parti Cette lettre de démission date d’il y a déjà une dizaine de jours. Les dirigeants du parti l’ont refusée et pendant 10 jours, ils l’ont tenue secrète, espérant trouver les arguments pour convaincre Tabaré Vázquez de la reprendre. En vain. Hier, c’est le Vice-président qui a lâché l’information. Les Socialistes sont très affectés. C’est un leader historique et visiblement un grand homme d’Etat qui quittent leurs rangs et les laissent comme orphelins et sans leur atout majeur dans la course à la Présidence de la République.