Affiche du dîner d'hommage donné le 4 septembre 2006 pour Arturo Peña Lillo au CC Torcuato Tasso
Arturo Peña Lillo avait édité les penseurs fondateurs de l'idée nationale argentine que furent Arturo Jauretche (13 novembre 1901 - 25 mai 1974) et Raúl Scalabrini Ortiz (dont on fête cette année en Argentine le cinquantenaire de la mort, voir mon article à ce sujet). Il a aussi publié l'historien contemporain, Norberto Galasso, qui s'est penché sur leur oeuvre et leur influence sur la vie politique et culturelle du pays.
Arturo Peña Lillo était aussi l'éditeur du premier livre d'histoire (au sens propre de ce mot) qui ait été écrit sur le tango, El tango, su historia y evolución, un essai d'une centaine de pages publié en 1960 par Horacio Ferrer. Avant la publication de ce livre qui applique pour la première fois au tango la méthode historique de la critique des sources, il n'y avait que des ouvrages de souvenirs et d'anecdotes sur le genre et sa genèse. Dans ce livre, Horacio Ferrer, qui vient d'une famille appartenant à la très bonne société tant de Buenos Aires que de Montevideo, ose écrire que la culture pseudo-européenne des élites rioplatenses est creuse et ennuyeuse et que l'expression artistique et culturelle authentique de ce coin de la planète, c'est le tango, un genre que l'élite tenait pour mineur et même pour méprisable, qui n'avait pas le droit de citer ni à l'Université ni à l'école, qui paraissait dénué du moins intérêt pour ce qui s'appelait la Culture et qui ne reconnaissait que les noms de Mozart, Shakespeare, Racine, Molière, Goethe, Kant et Bach. En 1960, cette affirmation, qui nous paraît aujourd'hui, à nous Européens, une évidence de Monsieur de Lapalisse, avait déclenché des réactions très vives.
La maison d'édition d'Arturo Peña Lillo a été depuis rachetée par Ediciones Continental. De maison d'edition, APL est devenue une collection, que dirigeait son fondateur. C'est d'ailleurs en cette qualité de directeur de collection qu'il avait réédité récemment El tango, su historia y evolución et fait paraître les deux volumes des letras d'Horacio Ferrer écrites sur ou pour des musiques de Astor Piazzolla. C'était aussi cette maison d'édition qui a réédité en 1999 Romancero Canyengue, toujours de Horacio Ferrer, son premier recueil de poèmes, édité en 1967 chez Tauro, le recueil qui avait donné envie à Astor Piazzolla de s'associer au poète uruguayen pour révolutionner l'esthétique du Tango-canción de cette fin des années 60 (une vieille idée d'Horacio Ferrer qui travaillait son ami au corps pour le convaincre de donner plus au tango à texte, alors qu'il composait surtout de la musique instrumentale depuis son retour de Paris et sa réconciliation avec le tango en 1955). Les deux hommes s'étaient rencontrés à Buenos Aires en 1947 (Piazzolla était un bandonéoniste et compositeur inclassable de 26 ans et Horacio Ferrer un adolescent de 14 ans plein d'ambitions et de curiosités artistiques tous azimuts et affectivement partagé entre Montevideo, sa ville natale, et Buenos Aires, où vivait sa famille maternelle, les Ezcurra). Horacio Ferrer envoya en cadeau son recueil à Piazzolla qui le découvrit poète en ouvrant le livre et le contacta aussitôt : il venait enfin de découvrir l'auteur avec lequel il voulait faire cet opéra-tango dont l'envie le tenaillait depuis des années, cette oeuvre théâtrale qui serait à Buenos Aires ce que West Side Story est à New York. Et ce fut María de Buenos Aires, qui a été créée à Buenos Aires en 1968 et a été assez mal reçue de prime abord par le public et encore plus par la critique, qui n'y a rien compris. Tout le monde s'est rattrapé depuis heureusement...
Aujourd'hui, beaucoup des auteurs politiques publiés par Arturo Peña Lillo (par exemple, Arturo Jauretche, un militant radical, ami de Homero Manzi et co-fondateur avec lui de la FORJA, mouvement politique nationaliste qui s'opposait radicalement aux politiques d'asservissement de l'Argentine aux puissantes commerciales de la Grande-Bretagne puis des Etats-Unis pendant la Década Infame, et Norberto Galasso) figurent maintenant au catalogue de Corregidor (voir la rubrique Les commerçants du quartier, en partie inférieure de la Colonne de droite). Et le président actuel de Corregidor, Don Manuel Pampín, éditeur aujourd'hui de Horacio Ferrer, Luis Alposta, Héctor Negro, Enrique Cadícamo (1900-1999), Homero Manzi (1907-1951), Homero Expósito (1918-1987) pour n'en citer que quelques uns, fait partie des rédacteurs du dossier d'hommage que le quotidien Página/12 rend aujourd'hui à celui qu'il nomme "El último Quijote de los editores".
Le combat culturel de Arturo Peña Lillo lui a valu de nombreux ennuis sous la dernière dictature, il a eu en particulier plusieurs de ses livres brûlés dans des autodafés d'un autre temps...
L'article principal de Página/12 par Silvina Friera
L'hommage de Manuel Pampín, sous le titre Trabajo de hormiga (travail de fourmi).
Norberto Galasso lui aussi lui rend hommage, ouvrant son article sur cette définition :
"Fue un baluarte del pensamiento nacional a quien recurrimos, durante largos años, todos aquellos a los cuales nos esquivaban las grandes editoriales al servicio del pensamiento de la clase dominante".
Il a été un pilier de la pensée nationale auquel nous avons eu recours, pendant de longues années, nous tous qu'évitaient soigneusement les grandes maisons d'édition au service de la pensée de la classe dominante.
Les photos sont extraites du site Pensamiento nacional.
C'est un grand éditeur et un grand défenseur de la culture rioplatense qui vient de disparaître à l'âge de 91 ans. Il était né à Valparaiso, au Chili, le 30 août 1917 et était arrivé en Argentine à l'âge de 2 ans.
Arturo Peña Lillo avait édité les penseurs fondateurs de l'idée nationale argentine que furent Arturo Jauretche (13 novembre 1901 - 25 mai 1974) et Raúl Scalabrini Ortiz (dont on fête cette année en Argentine le cinquantenaire de la mort, voir mon article à ce sujet). Il a aussi publié l'historien contemporain, Norberto Galasso, qui s'est penché sur leur oeuvre et leur influence sur la vie politique et culturelle du pays.
Arturo Peña Lillo était aussi l'éditeur du premier livre d'histoire (au sens propre de ce mot) qui ait été écrit sur le tango, El tango, su historia y evolución, un essai d'une centaine de pages publié en 1960 par Horacio Ferrer. Avant la publication de ce livre qui applique pour la première fois au tango la méthode historique de la critique des sources, il n'y avait que des ouvrages de souvenirs et d'anecdotes sur le genre et sa genèse. Dans ce livre, Horacio Ferrer, qui vient d'une famille appartenant à la très bonne société tant de Buenos Aires que de Montevideo, ose écrire que la culture pseudo-européenne des élites rioplatenses est creuse et ennuyeuse et que l'expression artistique et culturelle authentique de ce coin de la planète, c'est le tango, un genre que l'élite tenait pour mineur et même pour méprisable, qui n'avait pas le droit de citer ni à l'Université ni à l'école, qui paraissait dénué du moins intérêt pour ce qui s'appelait la Culture et qui ne reconnaissait que les noms de Mozart, Shakespeare, Racine, Molière, Goethe, Kant et Bach. En 1960, cette affirmation, qui nous paraît aujourd'hui, à nous Européens, une évidence de Monsieur de Lapalisse, avait déclenché des réactions très vives.
Arturo Peña Lillo le 4 septembre 2006 au CC Torcuto Tasso avec le couple qui assurait l'animation chorégraphique de la soirée.
La maison d'édition d'Arturo Peña Lillo a été depuis rachetée par Ediciones Continental. De maison d'edition, APL est devenue une collection, que dirigeait son fondateur. C'est d'ailleurs en cette qualité de directeur de collection qu'il avait réédité récemment El tango, su historia y evolución et fait paraître les deux volumes des letras d'Horacio Ferrer écrites sur ou pour des musiques de Astor Piazzolla. C'était aussi cette maison d'édition qui a réédité en 1999 Romancero Canyengue, toujours de Horacio Ferrer, son premier recueil de poèmes, édité en 1967 chez Tauro, le recueil qui avait donné envie à Astor Piazzolla de s'associer au poète uruguayen pour révolutionner l'esthétique du Tango-canción de cette fin des années 60 (une vieille idée d'Horacio Ferrer qui travaillait son ami au corps pour le convaincre de donner plus au tango à texte, alors qu'il composait surtout de la musique instrumentale depuis son retour de Paris et sa réconciliation avec le tango en 1955). Les deux hommes s'étaient rencontrés à Buenos Aires en 1947 (Piazzolla était un bandonéoniste et compositeur inclassable de 26 ans et Horacio Ferrer un adolescent de 14 ans plein d'ambitions et de curiosités artistiques tous azimuts et affectivement partagé entre Montevideo, sa ville natale, et Buenos Aires, où vivait sa famille maternelle, les Ezcurra). Horacio Ferrer envoya en cadeau son recueil à Piazzolla qui le découvrit poète en ouvrant le livre et le contacta aussitôt : il venait enfin de découvrir l'auteur avec lequel il voulait faire cet opéra-tango dont l'envie le tenaillait depuis des années, cette oeuvre théâtrale qui serait à Buenos Aires ce que West Side Story est à New York. Et ce fut María de Buenos Aires, qui a été créée à Buenos Aires en 1968 et a été assez mal reçue de prime abord par le public et encore plus par la critique, qui n'y a rien compris. Tout le monde s'est rattrapé depuis heureusement...
Aujourd'hui, beaucoup des auteurs politiques publiés par Arturo Peña Lillo (par exemple, Arturo Jauretche, un militant radical, ami de Homero Manzi et co-fondateur avec lui de la FORJA, mouvement politique nationaliste qui s'opposait radicalement aux politiques d'asservissement de l'Argentine aux puissantes commerciales de la Grande-Bretagne puis des Etats-Unis pendant la Década Infame, et Norberto Galasso) figurent maintenant au catalogue de Corregidor (voir la rubrique Les commerçants du quartier, en partie inférieure de la Colonne de droite). Et le président actuel de Corregidor, Don Manuel Pampín, éditeur aujourd'hui de Horacio Ferrer, Luis Alposta, Héctor Negro, Enrique Cadícamo (1900-1999), Homero Manzi (1907-1951), Homero Expósito (1918-1987) pour n'en citer que quelques uns, fait partie des rédacteurs du dossier d'hommage que le quotidien Página/12 rend aujourd'hui à celui qu'il nomme "El último Quijote de los editores".
Le combat culturel de Arturo Peña Lillo lui a valu de nombreux ennuis sous la dernière dictature, il a eu en particulier plusieurs de ses livres brûlés dans des autodafés d'un autre temps...
Les photos sont extraites du site Pensamiento nacional.
L'article principal de Página/12 par Silvina Friera
L'hommage de Manuel Pampín, sous le titre Trabajo de hormiga (travail de fourmi).
Norberto Galasso lui aussi lui rend hommage, ouvrant son article sur cette définition :
"Fue un baluarte del pensamiento nacional a quien recurrimos, durante largos años, todos aquellos a los cuales nos esquivaban las grandes editoriales al servicio del pensamiento de la clase dominante".
(Norberto Galasso)
Il a été un pilier de la pensée nationale auquel nous avons eu recours, pendant de longues années, nous tous qu'évitaient soigneusement les grandes maisons d'édition au service de la pensée de la classe dominante.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Les photos sont extraites du site Pensamiento nacional.