mardi 17 mars 2009

Carlos Rossi ce jeudi au Tortoni et sur ADN Tango [à l’affiche]

Le chanteur et letrista (1) de tango Carlos Rossi sera ce jeudi 19 mars, à 19h (heure de Buenos Aires, laquelle vient de passer à l’horaire d’hiver), au micro de Claudio Tagini, dans l’émission (el programa) ADN Tango, sur le site de Radio Sentidos.

S’écoute en direct ou en différé, en streaming, pendant toute une semaine, 24h sur 24.

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Carlos Rossi est né en 1943, dans le sud de Buenos Aires, dans le quartier de Nueva Pompeya, celui qu’ont célébré Homero Manzi et Aníbal Troilo dans Sur et dans Barrio de Tango, en 1948. C’est donc un artiste d’expérience et qui a tout pour être validement enraciné dans une tradition tanguera on ne peut plus orthodoxe. Au début de sa carrière, dans les années 60, il a chanté dans l’orchestre de José Basso, une figure musicale dans ces années-là qui sont moins connues par chez nous que celles qui avaient précédé, les années 30 et 40. Aujourd’hui, Carlos Rossi est un chanteur soliste.
En ce mois de mars, il se produit tous les vendredis et tous les samedis au Gran Café Tortoni, dans la salle Alfonsina Storni (rez-de-chaussée, au fond), à 20h30, avec une chanteuse de quelques années (!) sa cadette, Virginia Verónica (né en 1970). L’entrée est fixée à 60 $ le vendredi comme le samedi.
C’est cher, c’est cher, s’écrient mes lecteurs fidèles, habitués à une échelle de prix bien différentes. Vous êtes drôles, vous ! C’est qu’on est au Tortoni, tout de même. Tout est plus cher au Tortoni, même la tasse de café. Mais vous avez le décor, l’ambiance, les garçons en grande tenue, à la parisienne, les souvenirs historiques, la réalité culturelle d’aujourd’hui, vous tutoyez Jorge Luis Borges et Héctor Negro, sans parler de Quinquela Martín ou de Gardel en personne... Il faut attendre pour entrer, même en hiver quand ce n’est pas la saison touristique. Il y a un maître d’hôtel pour régler les entrées et les sorties, jusque sur le trottoir. Au-dessus, vous avez le Palacio Carlos Gardel, siège de la Academia Nacional del Tango. Le Café Tortoni, fondé en 1858 et aujourd’hui installé Avenida de Mayo n° 829, c’est l’un des lieux les plus prestigieux de tout Buenos Aires.

Le show du vendredi s’appelle Sol y Tango 2009, celui du samedi s’appelle Contango Historias (2). Ensemble, les deux chanteurs participent aussi à un spectacle conçu par Virginia Verónica, Terapía Tango (présenté comme un remède à la vie folle et déprimante d’aujourd’hui, mais qui n’a de thérapie que le nom. Un spectacle de tango, excellent à ce qu’il paraît. Todo Tango lui-même y fait référence dans son article sur cette chanteuse de la Guardia Jóven, une catégorie propre au site). Tous les deux sont enfin également co-auteurs de quelques tangos, publiés là aussi sur le site encyclopédique qu’est Todo Tango (voir le lien avec Todo Tango dans la rubrique Les Institutions dans la Colonne de droite, partie basse).

Carlos Rossi est aussi un chanteur connu pour ses prestations dans les médias audio-visuels. Il fait partie de l’équipe (el elenco) de La Noche con Amigos de Lionel Godoy tous les soirs de semaine, sur La 2x4, de Grandes Valores del Tango, l’émission dont fit aussi partie José María Mentana (récente invitée de Claudio Tagini). Enfin, il se produit sur le plateau de la chaîne payante Sólo Tango, sur laquelle travaille aussi Nolo Correa, autre récent invité de ADN Tango.

Carlos Rossi a fait un long séjour sur la scène de Taconeando, la tanguería fondée par la chanteuse et danseuse de tango Beba Bidart (aujourd’hui, La vereda de Beba, pour rappeler a mémoire de la fondatrice). Il s’est aussi produit un temps sur la scène de la tanguería voisine, à seulement une centaine de mètres de là, dans ce même coin ultra-pittoresque et authentique de Buenos Aires, presque à cheval entre San Telmo et Monserrat, El Viejo Almacén (fondé par Edmundo Rivero et passé, lui aussi, en d’autres mains désormais).

En 2003, Carlos Rossi a sorti un disque (qui n’est hélas plus disponible aujourd’hui sur Tangostore, la boutique en ligne de Zivals, mais il pourrait y revenir prochainement) : Socios de un sueño (associés d’un songe).

A ce disque ont participé en artistes invités des pointures comme Raúl Garello, Oscar Barrios, José Colángelo, Saúl Consentino, Carlos Morel et Juan Carlos Zunini, parmi d’autres. Rossi y interprète des pièces qui ne sont pas souvent enregistrées, notamment Lulú, une valse écrite d’une plume exceptionnellement simple par Horacio Ferrer, un beau poème passionnément amoureux et subtilement érotique dédié à sa femme, l’artiste peintre Lulú Michelli, et dont la musique est signée Raúl Garello (Lulú avait été créé et enregistré en 1992 par Raúl Garello et le chanteur uruguayen, décédé depuis hélas, Gustavo Nocetti, ami personnel et intime du poète). Egalement deux morceaux de Saúl Consentino, dont l’un écrit par la chanteuse guitariste compositrice et poète Eladia Blázquez (Sin tu mitad). Carlos Rossi est lui-même l’auteur de huit morceaux (temas) dont le second signé sur ce disque par Saúl Consentino, Tiempo de Nadie (temps de personne), et...

Vous savez garder un secret ?
Sûr ?

Bon. OK. OK, je vous le dis mais c’est entre nous, hein ? On est bien d’accord ? Vous le répétez pas ! Sur la liste de pistes composant Socios de un Sueño, on trouve un tango écrit par Claudio Tagini (musique d’Oscar Barrios). Si ! Al filo del otoño (au fil de l’automne). Bon ADN ne saurait mentir (3), Claudio est le fils d’un chanteur et letrista, qui a signé 7 tangos enregistrés par Carlos Gardel ! Ceci dit, je me répète, je l’avais déjà raconté dans un autre article, le premier consacré dans ce blog à cette émission de radio par Internet, en janvier dernier.

Chose bizarre, Carlos Rossi est aussi attendu à côté de Córdoba, le 27 mars, un vendredi, pour une émission en direct sur la radio de Bell Ville, et Bell Ville ce n’est pas tout près de Buenos Aires. Donc ou il y va en super-sonique, ou il ne chantera pas ce soir-là au Tortoni, ou il y a une gourrance (4) sur le programme du Tortoni ou dans l’article de Diario Marca, le journal de Bell Ville. Vous pouvez toujours aller lire l’article, il vous donne l’adresse du site de la radio où vous pourrez écouter l’émission en direct...

Sinon, ADN Tango figure dans les sites de la rubrique Ecouter, en partie basse de la Colonne de droite. Vous trouvez le lien aussi dans les autres articles que j’ai consacrés à cette émission (en cliquant sur le nom de Claudio Tagini, là-haut, entre le titre et l’article). Et si vous ne voulez pas attendre jeudi soir à 19h (là-bas, maintenant, 19h, ça nous fait minuit ici et à partir du 29 mars, ça nous donnera du 1 h du matin !), vous pouvez aller sur Todo Tango l’écouter chanter en 1966 avec l’orchestre de José Basso Mientras tú no llegas de Manuel Sucher et Carlos Bahr (tandis que tu n’arrives pas) ou en 1999 Musa de neón de Saúl Cosentino et María del Mar Estrella.

Et puisqu’on y est, parlons aussi de la partenaire, Virginia Verónica, dont Todo Tango nous offre la version de Cada día te extraño más (chaque jour, tu me manques un peu plus), enregistrée en 2001 (écoutez cette voix, ça vaut vraiment le coup). Vous pouvez aussi l'entendre dans le podcast 119 de Tango City Tour (lien dans la Colonne de droite, dans la rubrique Ecouter).

Et puis comme on parle de ADN Tango et qu’on ne fait rien sans Gardel dans ADN Tango (avec un titre et une histoire pareils, comment pourrait-il en être autrement ?), voilà le début d’une letra de Carlos Rossi et Virginia Verónica (musique de Saúl Cosentino).

Te canto desde mi canto, Gardel que estás en los cielos.
Te canto desde el desvelo de mis sueños de cantor.
Y para cantarte en serio, cuento con la bendición
que desde el fondo del tiempo puso en mi garganta Dios.
Y con la vida mis ganas de honrarte desde mi voz.
(Carlos Rossi et Virginia Verónica, 2004)

Je chante pour toi depuis ma musique, Gardel qui es aux Cieux.
Je chante pour toi depuis l’éveil de mes rêves de chanteur.
Et pour vraiment chanter pour toi, je compte sur la bénédiction
Que depuis le fond des temps Dieu a mis en mon gosier.
Et c’est ma vie que mon envie de te rendre hommage avec ma voix...
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Ce tango s’intitule tout simplement Gardel que estás en los cielos (formule empruntée à une traduction hispanophone du Pater, le Notre Père. Quand je vous disais que Gardel était plus qu’un chanteur, que c’était un mythe).

(1) letrista : parolier. Mais je n’aime guère cette traduction (même s’il n’y en a guère d’autre) : en tango, les textes vont bien plus loin que les paroles des chansons telles qu’on les conçoit, telles qu’on les écrit en Europe. A moins de faire du répertoire d’un Georges Brassens ou d’un Jacques Brel la norme or la richesse littéraire de ces textes sont des exceptions dans le genre qu’est la chanson ici.
(2) Contango Historias est une espèce de jeu de mot. Cela sonne comme "contando historias" ("en racontant des histoires", au sens des récits et non des mensonges, comme en français oral).
(3) El turno idiomático es "bon sang ne saurait mentir" (la sangre buena no sabe mentir, es decir que los hijos salen como sus padres)
(4) "gourrance" : error en argot parisino.