Le Museo Casa Carlos Gardel, installé dans la maison qui fut celle de Carlos Gardel de 1927 à sa mort et où sa mère décéda en 1943, propose, depuis le 19 mars jusqu’au 17 avril, une exposition sur le travail d’interprète et de compositeur de folklore que fut Carlos Gardel jusqu’en 1916, année au cours de laquelle Pascual Contursi apporta au Morocho del Abasto (1) une version à texte de Lita, un tango instrumental composé par Samuel Castriota. Il avait chanté cette nouvelle version à Montevideo, où il se produisait "a la gorra" (sur cette expression, voir Trousse lexicale d’urgence, à droite sur votre écran), et l’avait rebaptisé Mi noche triste. Gardel accepta de reprendre le texte, ce qui calma la colère du compositeur, et fit de cette version chantée un grand succès à Buenos Aires. Dès lors, Gardel commença à chanter du tango, ce qu’il ne faisait pas auparavant, et quitta peu à peu presque complètement le répertoire folklorique.
Les premiers disques de Carlos Gardel (son premier enregistrement date de 1912), sa première tournée internationale en 1915 (Uruguay, Brésil et Chili), ses tournées dans les provinces argentines pendant la Grande Guerre, presque toutes les soirées qu’il a assurées au restaurant El Armenonville à Palermo, depuis son embauche le 1er janvier 1913 jusqu’à la fermeture de l’établissement en 1920... Tout son répertoire d'alors, c’est jusqu’en 1916-1917 exclusivement du folklore hérité d’une tradition venue de la campagne environnante avec l’exode rural des années 1880-1890 et des payadores comme Gabino Ezeiza ou José Betinotti (pour ne citer que les plus connus) et des oeuvres de sa propre composition, seul ou avec ses différents compagnons dont José Razzano.
Gardel et Razzano sont alors souvent compositeurs et auteurs indistinctement et il est parfois difficile de démêler qui a fait quoi, car on ne dépose pas encore les oeuvres dans les genres populaires (la première société de dépôt est fondée par Francisco Canaro en 1918, presque 20 ans avant la fondation de la SADAIC, qui sera l’organisme officiel et définitif en la matière).
Le tango n’est donc arrivé dans le répertoire de Gardel que relativement tard (si l'on prend en considération que sa carrière professionnelle commence vraiment en 1910 ou 1911) et tout de suite, avec un goût très sûr, il s’est appuyé sur de bons poètes et de bons compositeurs avant de se lancer lui-même dans la composition de tango jusqu’à devenir, dans la dernière tournée, son propre compositeur presque exclusif (et en tout cas le compositeur exclusif pour ses films tournés à New York en 1934 et 1935).
C’est donc un Gardel mal connu, presque archaïque, presque un proto-Gardel que le Musée invite à découvrir en ce moment.
Depuis le 12 mars aussi, dans le cycle des expositions consacrés aux auteurs et compositeurs du répertoire de tango de Carlos Gardel, le Musée présente Anselmo Aieta (1896-1964), à qui l’on doit Palomita Blanca, que Gardel lui créa (alors que personne n’en voulait).
Le Museo Casa Carlos Gardel propose aussi une série de cours gratuits :
Chant le mercredi à 18h, par Tito Alonso, qui est le fondateur de la Escuela Gardeliana de Canto (et qui s’est produit lors de la Nuit des Musées le 15 novembre dernier au Museo Casa Carlos Gardel).
Danse (de tango, cela va sans dire), le jeudi à 18h, par le partenaire de Madonna dans Evita (c’est une référence, ça, non ?), Luis Boccia, qui enseigne à la Escuela Nacional Superior de Danzas María Ruanota (IUNA).
Atelier de guitare le vendredi à 18h : les guitaristes y travaillent en ensemble musical et pour accompagner des chanteurs (Carlos Gardel était lui-même guitariste, il s’était longtemps accompagné lui-même à la guitare, jusque vers 1925. A cette époque, il laisse progressivement l’instrument pour se consacrer pleinement au chant et il est accompagné par un groupe de guitaristes, dont trois mourront d’ailleurs avec lui à Medellín).
Et un cours de lunfardo (il faut savoir parler comme lui aussi), le samedi de 16 à 18h, sous la conduite de Laura Pozzis (voir mes articles à ce sujet sous le mot-clé Museo Casa Carlos Gardel, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, en haut de l'article).
Le musée est ouvert tous les jours, sauf le mardi, en semaine de 11h à 18h, le week-end et les jours fériés de 10h à 19h.
L’entrée coûte 1 $ tous les jours, sauf le mercredi où le musée est gratuit.
Le site du musée figure parmi les liens externes, en partie inférieure de la Colonne de droite, dans la rubriques Les institutions.
(1) surnom qu’on avait donné à Carlos Gardel vers 1908 ou 1910 et qu’il garda tout au long de sa vie mais surtout jusque vers les années 20. Le surnom Zorzal criollo l’emporte après, lorsqu’il devient connu à l’étranger. Morocho, morocha, cela s’applique soit aux bruns soit aux mulâtres (sans que cela ait un sens raciste comme notre adjectif "basané"). Le zorzal, c’est un oiseau, un merle gris ou brun réputé pour son chant et auquel on compare facilement un bon chanteur. El Zorzal ou El Zorzal criollo, à Buenos Aires (et ailleurs en Amérique du Sud), c’est Carlos Gardel. Mais d’autres ont eu droit à ce surnom (Tito Reyes par exemple).