L’association des Grands-Mères de la Place de Mai (Abuelas de Plaza de Mayo) est une ONG argentine qui recherche les enfants de parents disparus pendant la Dictature de 1976-1983 et qui ont été confiés en bas âge en adoption, la plupart du temps, à des familles proches du régime, parfois aussi mais de manière semble-t-il tout à fait exceptionnelle, à des adoptants de bonne foi, et dans tous les cas de figure après falsification de leur identité réelle (modification des dates et lieux de naissance et de l’ascendance, avec des naissances déclarées sous X ou la substitution du nom des adoptants à celui des parents biologiques).
En septembre 2008, la Présidente de la République argentine, Cristina Fernández de Kirchner, accompagnée par Estela Carlotto, la médiatique présidente de Abuelas, avait présenté devant l’Assemblée Générale de l’ONU un projet de protocole d’identification des victimes des violations des droits de l’homme, fondé sur l’analyse ADN (la génétique légale, disent les Argentins, comme on parle de médecine légale et de police scientifique). L’Analyse ADN à partir d’un prélèvement sanguin (1) constitue en effet la méthode employée par la Justice argentine pour rendre aux enfants volés par la Dictature leur identité réelle (voir tous les articles de Barrio de Tango classés sous le mot-clé Abuelas).
Or le Conseil pour les Droits de l’Homme à l’ONU vient d’approuver le projet à l’unanimité. Cela signifie que tous les Etats Membres seront invités et incités à développer sur leur territoire des compétences de génétique légale et à les employer à la demande de l’ONU à chaque fois que des enquêtes de ce type seront nécessaires dans un Etat membre (on peut par exemple penser au Cambodge actuellement et bien entendu à tous les pays d’Amérique Latine où a sévi la sinistre Opération Condor, coopération internationale des juntes militaires sud-américains contre leurs opposants et autres militants des droits de l’homme "infestant" alors leur territoire comme des nuages de moustiques à éradiquer).
Le projet a été appuyé par 45 pays membres, dont Israël (la douloureuse question de la destruction des juifs d’Europe entre 1942 et 1945) et les Etats-Unis (responsables en grande partie et en coulisses de l’opération Condor). Dans ses débats, le Conseil a pris en considération l’existence d’une loi argentine de 1987, née d’une initiative de Abuelas, pour créer en Argentine une Banque Nationale de données génétiques où a été collectées et cartographiées les cartes génétiques de toutes les familles qui ont eu des enfants enlevés pendant la Dictature.
Le Ministre des Affaires étrangères argentin, Jorge Taiana, s’est félicité de ce vote qui met en relief le rôle pionnier de l’Argentine en matière de génétique légale, employée en Europe comme outil de la police scientifique dans la plupart des affaires criminelles de droit commun et dans certains cas, variables selon les pays, de droit de la famille. L’Argentine accueille depuis peu le premier observatoire des droits de l’homme de l’UNESCO dans les locaux de l’ex-ESMA, qui fut un haut-lieu de la répression clandestine durant la Dictature, et la Présidente veut placer son pays aux avant-postes de la lutte mondiale pour la reconnaissance et le respect des droits de l’homme partout dans le monde.
(1) Les analyses sont pratiquées sur d’autres éléments lorsque l’intéressé refuse de se plier à la procédure. Ce fut le cas récemment d’un jeune homme qui souhaitait conserver avec son père adoptif une relation filiale intacte et fut identifié grâce à l’analyse de sa brosse à dents. Voir mon article ici.