mercredi 25 mars 2009

Les grandes dates de l’histoire du tango argentin - Article n° 500 [histoire]

Dans le corps de l’article, les liens renvoient à des articles ou à des séries d’articles de Barrio de Tango.

Vers 1844 : à Carlsfeld, en Saxe, pour les églises, plus souvent luthériennes que catholiques, qui n'ont ni orgue ni harmonium, un luthier, peut-être nommé Heinrich Band, invente un instrument portatif dérivé du concertina et l'appelle Bandonion.
1858 : naissance de Gabino Ezeiza (+ 1916) dans le quartier de San Telmo à Buenos Aires. Il sera considéré comme le plus grand des payadores.
1867 : naissance de Ángel Villoldo (+ 1919), qui sera surnommé el Padre del Tango (le père du tango). C'est lui qui mènera pour la première fois le tango hors de l'aire hispanique, à Paris, en 1907.
Vers 1870 : à Buenos Aires, le mot tango ou tango criollo (par opposition au tango andaluz) sert à désigner la version rioplatense de la habanera cubaine. Le tango andalou est l'une des formes du flamenco. Le même mot tango (sans doute à cause d’une autre étymologie : tambor, tambo', tumbo ou Xangó ?) désigne les fêtes des noirs argentins fréquentes dans les quartiers qu’ils habitent (San Telmo, Monserrat...). A la même époque, le mot milonga désigne trois choses à la fois : ces mêmes lieux de fête, la habanera argentine et les improvisations des payadores itinérants dans les campagnes puis dans Buenos Aires même.
Janvier à mai 1871 : la fièvre jaune tue 7,3% de la population de Buenos Aires et bouleverse la géographie sociale de cette ville. Les riches se réfugient dans le nord où ils s’établissent définitivement (c’est le développement de la construction dans le quartier de La Recoleta), les pauvres restent dans le sud ou s’y font refouler (San Telmo, Barracas, bientôt La Boca, Nueva Pompeya...)
Vers 1874 : un marin anonyme apporte au port de Buenos Aires le premier Bandonion.
1878 : Naissance de José Betinotti (+ 1915), dans le quartier d’Almagro. Il sera surnommé el Último Payador.
Parution dans le quotidien La Prensa, le 6 juillet 1878, du tout premier article répertorié sur le lunfardo, argot nouvellement apparu parmi les marginaux et les délinquants et dans les prisons de Buenos Aires. L’auteur est anomyne. Il dresse une liste de 29 termes qu'il a traduits en espagnol classique.
1880 : arrivée au pouvoir d’une oligarchie de grands propriétaires terriens, la Generación del 80. L’immigration européenne prend une ampleur phénoménale et bouleverse toute la structure urbaine et sociologique de la capitale argentine.
Années 1880 et 1890 : composition des premiers tangos arrivés jusqu’à nous, avec un nom d’auteur ou de manière anonyme. Andate a la Recoleta, Dame la lata, Hotel Victoria, Cuidado con los 50...
1888 : naissance à San José de Mayo en Uruguay de Francisco Canaro (+ 1965).
1893 : immigration de Berthe Gardés avec son fils Charles dans les bras, depuis Toulouse. Cet enfant ce sera Carlos Gardel (1890-1935).
1896 : immigration de Socorro Salomone, une Sicilienne avec son fils Innazio, depuis la Sardaigne. Cet enfant, ce sera Ignacio Corsini (1890-1967).
1900 : naissance de Juan D’Arienzo en janvier dans le nord du quartier de Palermo, à Buenos Aires (+ 1976), de Alfredo Le Pera en juin au Brésil (+ 1935) et de Enrique Cadícamo en juillet à General Rodríguez, à proximité de Luján dans la Province de Buenos Aires (+ 1999).
1901 : naissance de Enrique Santos Discépolo, en mars dans le quartier dit del Once, lieu-dit de Balvanera à Buenos Aires (+ 1951).
1903 : création au piano, dans un restaurant chic du centre historique de Buenos Aires, El Americano, de El Choclo, tango de Ángel Villoldo (le programme parle de Danza Criolla). Le tango aborde la côte espagnole et la bonne société française, à travers des fils de famille habitués à s'encanailler dans les lieux mal famés.
Naissance de Carlos Di Sarli à Bahía Blanca, Province de Buenos Aires (+1960).
1905 : Naissance de Osvaldo Pugliese en décembre, dans le quartier de Villa Crespo à Buenos Aires (+ 1995).
1907 : Naissance de Homero Manzi, en novembre, à Añatuya, Province de Santiago del Estero (+ 1951). Ángel Villoldo et ses amis, les Gobbi (Alfredo père et son épouse), séduisent les beaux salons parisiens avec une danse et une musique exotiques, le tango. La fanfare de la Garde Républicaine enregistre les premiers tangos à la demande d'un grand magasin portègne, Gath y Chavez.
1912 : Mort du poète Evaristo Carriego (1883-1812), fondateur de la poésie des faubourgs de Buenos Aires, dans le quartier de Palermo à Buenos Aires.
Retour de Paris de Villoldo et des Gobbi (avec le petit Alfredo, né à Paris, le futur grand violoniste et compositeur Alfredo Gobbi fils). Les salons de Buenos Aires s’ouvrent au tango, puisqu’il a été adoubé par Paris.
1913 (ou entre 1913 et 1917) : composition vers décembre puis création de La Cumparsita de Gerardo Matos Rodríguez, à Montevideo, probablement pendant les fêtes du Carnaval 1914.
1914 : Naissance de Aníbal Troilo, dit Pichuco, le 11 juillet, dans le quartier de l’Abasto, du côté de Palermo, à Buenos Aires (+ 18 mai 1975).
1915 : première tournée de Carlos Gardel et José Razzano à l’étranger (Uruguay, Brésil, Chili).
1916 : le chanteur Pascual Contursi (1887-1932) met des paroles sur Lita, un tango de Samuel Castriota, à Montevideo. Lita devient Mi noche triste. C’est la naissance du tango-canción, le tango à texte qui raconte une histoire.
1917 : Carlos Gardel chante et enregistre Mi noche triste. C’est le premier tango de son répertoire.
1918 : naissance de Homero Expósito, à Campana, Province de Buenos Aires (+ 1987).
Début des années 20 : apparition d’un nouveau style harmonique dans le tango, sous l’impulsion d’un violoniste, Julio De Caro (11 décembre 1899 - 11 mars 1980). C’est la toute première révolution esthétique du tango, connue sous la désignation de Decareana. Les musiciens qui adoptent la nouvelle esthétique formeront ce qu’on appellera la Guardia Nueva : Juan Carlos Cobián, Pedro Maffia, Pedro Laurenz, Agustín Bardi, Osvaldo Pugliese... La Guardia Nueva est ainsi appelée par opposition à ce qui devient la Guardia Vieja (Eduardo Arolas, Roberto Firpo, Vicente Greco, Manuel Campoamor, Juan Maglio, El Tano Genaro...)
1921 : Naissance d’Astor Pantaleón Piazzolla, à Mar del Plata, dans la Province de Buenos Aires, en mars (+ 1992).

1924 : Osvaldo Pugliese publie Recuerdo, le premier tango utilisant la polyphonie orchestrale.
Naissance de Virgilio Expósito, à Zárate, Province de Buenos Aires (+ 1997).

Mort à Paris, à l’hôpital Bichat, de Eduardo Arolas, pionnier du bandonéon, l’un des grands noms de la Guardia Vieja, il était né dans le quartier de Barracas à Buenos Aires en 1892.
Pascual Contursi met des paroles sur un vieux tango complètement oublié, La Cumparsita, sans se douter que le succès va faire réapparaître le compositeur qui, très procédurier, le poursuivra jusqu'à sa mort. Carlos Gardel, qui fait alors sa première tournée en Europe, chante La Cumparsita à Paris et en fait un succès international.
1926 : arrivée du tango au Japon. De retour d’un long séjour à Paris, le Baron Megata (1896-1968) importe le tango à Tokyo où il ouvre un cours de danse et de savoir-vivre à l’occidentale pour l’aristocratie nippone. Gros succès très élitiste qui progressivement, en moins de 50 ans, va toucher toutes les couches de la population.
1931 : parution de El hombre que está solo y espera, essai de Raúl Scalabrini Ortiz sur la culture propre à l’Argentine et à Buenos Aires et contre le néo-colonialisme économique et la tentative d’assimilation culturelle du pays à l’Europe, deux vecteurs de la politique gouvernementale pendant la Década Infame.
Création de Milonga sentimental, de Sebastián Piana et Homero Manzi. C’est la première milonga ciudadana (de celles qui se dansent dans les milongas aujourd’hui).
1932 : Gardel s’associe à Alfredo Le Pera (1900-1935), qui sera désormais le parolier de ses tangos, le scénariste de ses films et l’organisateur de ses tournées. Il tourne à Paris en 1932 (studio de Joinville, 2 longs métrages) puis à New-York en 1934 et 1935 (4 longs métrages).
1935 : Pendant l’hiver, à New York, Carlos Gardel rencontre un très jeune bandonéoniste marplatense, lui fait attribuer un tout petit rôle dans son dernier film, el Día que me quieras, enregistre avec lui Silencio et veut même l’emmener dans le reste de sa tournée. Le père du garçon s’y oppose. Ce jeune musicien qui échappe au désastre de Medellín, c'est Astor Piazzolla.

Le 24 juin 1935, Carlos Gardel meurt à Medellín, en Colombie, dans un accident d’avion au sol, avec Le Pera, l’un de ses deux secrétaires et trois de ses guitaristes. L'autre secrétaire et un des guitaristes survivront.

1936 : le 6 février, Carlos Gardel est inhumé à Buenos Aires, au cimetière de la Chacarita. Fondation à Buenos Aires de la Sadaic (Société Argentine Des Auteurs et Compositeurs) à l’initiative de Francisco Canaro.
1937 : Juan D’Arienzo joue puis enregistre un arrangement brillant de la Cumparsita pour animer le bal du cabaret Le Chantecler. Le Tango reconquiert le public portègne qui s’était mis à lui préférer le fox-trot.
La même année, Aníbal Troilo fonde son premier orchestre et va faire du cabaret Tibidabo son royaume.
1939 : Osvaldo Pugliese fonde son orchestre, sous la forme d’une coopérative, en août au Café el Nacional, qui sera longtemps son port d’attache. La longévité de cet orchestre sera exceptionnel puisqu’il ne se dissoudra qu’en juillet 1995, à la mort du compositeur.
C’est aussi l’année où Piazzolla intègre l’orchestre d’Aníbal Troilo, qu’il quittera en 1944.
Vers 1940 : composition de La Yumba, par Osvaldo Pugliese, qui l’enregistrera en 1944.
1944 - 1949 : censure officielle et institutionnalisée du lunfardo et des argentinismes et mise en place de critères de moralité sur les ondes, dans l’édition et les journaux, sur la scène, dans les studios d’enregistrement. Les auteurs (ou les chanteurs) doivent modifier les textes pour continuer à chanter. La grande variabilité des textes chantés encore aujourd’hui vient en grande partie de cette période-là.
1944 : début de la carrière du chanteur Roberto Goyeneche el Polaco (1926-1994)
1947 : rencontre entre Astor Piazzolla (26 ans) et Horacio Ferrer (14 ans) à Buenos Aires.
1948 : création de Sur et Barrio de Tango, chefs-d’oeuvre du tandem Aníbal Troilo - Homero Manzi.
1951 : mort de Homero Manzi (3 mai) puis de Enrique Santos Discépolo (23 décembre). Composition de Responso par Aníbal Troilo en hommage à Homero Manzi, dans l’après-midi du 3 mai.
1954 : parution du premier livre systématique sur le lunfardo, Lunfardía, par José Gobello.

1955 : à Paris, Astor Piazzolla, qui avait rompu définitivement avec le tango en 1949, se réconcilie avec le genre grâce à son professeur de composition classique, la Française Nadia Boulanger. Il se met à composer à flux tendu et enregistre un disque de 16 tangos, dont 14 de lui, avec l’orchestre de l’Opéra de Paris. Parmi ces nouveaux tangos, Nonino, dédié à son père, qui l’a poussé toute son enfance vers le tango et le bandonéon. Il revient à Buenos Aires avec le Octeto Buenos Aires. C’est la première Révolution Piazzollienne.

1960 : parution à Montevideo du tout premier essai historique stricto sensu sur le tango : El tango, su historia y evolución, par Horacio Ferrer (né en 1933) aux Editions Arturo Peña Lillo.
1962 : fondation de la Academia Porteña del Lunfardo.
1964 : début de la carrière de soliste du Polaco.
1965 : Piazzolla compose une série de tangos sur des textes de Jorge Luis Borges. Ces tangos sont créés et enregistrés par Edmundo Rivero.
1967 : parution à Montevideo du premier recueil de poème de Horacio Ferrer, el Romancero Canyengue. Piazzolla décide de faire un opéra-tango dont il confie l’écriture du livret à Horacio Ferrer.

1968 : création de l’opera-tango, dit aussi operita, María de Buenos Aires, de Astor Piazzolla et Horacio Ferrer, avec Amelita Baltar (née en 1940) dans le rôle-titre. Départ d’une collaboration à trois qui durera 6 ans (Piazzolla - Ferrer - Baltar). C’est la seconde Révolution Piazzollienne.

1969 : Création de Balada para un loco, du tandem Piazzolla-Ferrer, en novembre, par Amelita Baltar sur scène et El Polaco sur micro-sillons. Fondation de El Viejo Almacén par Edmundo Rivero (1911-1986), esquina Defensa y Balcarce, à la limite des quartiers Monserrat et San Telmo. Fondation par Osvaldo Pugliese de la Casa del Tango, un lieu de rencontres, d’échanges, de convivialité et d’enseignement pour les artistes de tango de la ville de Buenos Aires.
1970 : première édition de El Libro del Tango, encyclopédie systématique sur l’histoire du tango de 1500 pages environ, par Horacio Ferrer.
1973 : Piazzolla et Amelita Baltar se séparent. Lui part vivre en Europe et se met à voyager.
1974 : création de Oratorio Carlos Gardel, oeuvre musicale de concert, de Horacio Salgán et Horacio Ferrer.
1975 : Mort d’Aníbal Troilo, Pichuco, le 18 mai. Tout Buenos Aires est en pleurs.
1977 : Institution du Día Nacional del Tango, le 11 décembre, en Argentine, sur l’initiative de l’éditeur et essayiste Ben Molar.
1980 : Réédition augmentée de El Libro del Tango d’Horacio Ferrer (2000 pages). La somme sur l’histoire du tango des origines à la fin des années 70. Aujourd’hui épuisé.
Fondation de la Orquesta Típica Porteña par Raúl Garello qui deviendra la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires.
1988 : après la disparition (absorbé par Sony) d’un des derniers labels discographiques historiques argentins, RCA, le créateur du rock à texte d’expression hispanique, le chanteur Litto Nebbia (né en 1948 à Rosario, Province de Santa Fe) fonde son propre label, Melopea Discos, qui édite depuis de nombreux artistes de tango, consacrés ou débutants (et d’autres artistes dans tous les genres de musique : rock, jazz, folklore...)
1990 : fondation de la Academia Nacional del Tango, sous l’impulsion et sur une idée originale de Horacio Ferrer. La Academia commence à s’installer temporairement dans le sous-sol (la bodega) du Gran Café Tortoni, selon une tradition tortonienne bien établie. Elle s’installera dans l’hôtel particulier qui occupe les 3 autres étages en 2002, après l’achat définitif des locaux conclu à la veille du Corralito (bancarisation obligatoire avec gel des comptes décrétée en décembre 2001 pour enrayer l’effondrement du système monétaire argentin).
1992 : Mort d’Astor Piazzolla le 4 juillet.
1ère Cumbre del Tango (Sommet du Tango) organisée à Buenos Aires (manifestation biennale).
1994 : Mort du Polaco
1995 : Mort d’Osvaldo Pugliese le 25 juillet.
1998 : Célébration du 1er Festival de Tango de Buenos Aires (annuel), organisé au predio ferial de la Sociedad Rural Argentina dans le quartier de Palermo à Buenos Aires
2000 : Fondation de la Orquesta Escuela de Tango par Ignacio Varchausky, Ramiro Gallo et Emilio Balcarce, qui prendra en janvier 2008 le nom de Orquesta Escuela de Tango Emilio Balcarce.
2002 : Première célébration du Mundial de Tango de Buenos Aires (coupe du monde de tango danse).
2003 : inauguration en mars du Museo Casa Carlos Gardel (Jean Jaurès 735) dans la maison qu’avaient habité Carlos Gardel et où sa mère est décédée en 1943 puis en décembre du Museo Mundial del Tango à la Academia Nacional del Tango (Mayo 833).
2005 : le 18 mai, la loi argentine institue le Día Nacional del Bandoneón, fixé au 11 juillet, date de l’anniversaire de naissance de Pichuco, Aníbal Troilo (11 juillet 1914-18 mai 1975).
2008 (juillet) : le Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires et la Municipalité de Montevideo adressent conjointement à l’UNESCO un dossier de candidature pour l’inscription du Tango au Patrimoine de l’Humanité.