vendredi 31 décembre 2010

Après le ménage à la Fédérale, le ménage à la Métropolitaine ? [Actu]

Il y a quelques jours, dès sa prise de poste, Nilda Garré, nouvelle Ministre de la Sécurité au Gouvernement national, a pris une décision radicale : celle de changer toute la direction de la Police Fédérale, dont l'opposition mettait en doute le comportement sur le terrain et l'intégrité en général. Dans le même temps, la Police Métropolitaine, dont l'inaction devant les émeutiers de Villa Soldati début décembre a été dénoncée -et vertement- par la majorité, était laissée en l'état par le Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, alors que son fondateur, Jorge Palacios, est en prison dans le cadre d'une affaire d'espionnage et d'écoutes téléphoniques illégales, ce qui manque de classe dans le tableau général.

Et voilà qu'avant-hier, une commission de la Legislatura de Buenos Aires a rendu un rapport sur ce corps de Police municipal, mis en place au début de cette année par le Gouvernement portègne. La commission recommande la révocation de 38 officiers supérieurs de la Police Métropolitaine et rappelle que 73% de l'encadrement supérieur de la Métropolitaine a participé, sous une forme ou une autre, à des forces de sécurité sous la Dictature, ce qui suppose qu'ils ont pu bénéficier, il y a de cela une trentaine d'années, d'un apprentissage de haut niveau en matière de violence et de violation des droits de l'homme. Un peu gênant pour une police en temps de démocratie.

La Commission a été créée par 6 des 13 groupes parlementaires (1), après la découverte de 10 cas d'officiers de police ayant eu affaire à la justice, alors que des éléments avec un tel passé n'auraient jamais dû pouvoir être embauchés. Il existe en effet au niveau fédéral un Secrétariat d'Etat aux Droits de l'Homme, qui est habilité à enquêter sur le passé des candidats et à signaler aux autorités dont dépend la police locale (Gouvernement Portègne ou Gouvernement provincial) les éventuel antécédents judiciaires des impétrants. Autrement dit, les embauches ont été faites dans un grand mépris de cette règle démocratique fondamentale, soit parce que les service du Secrétariat d'Etat n'ont pas été saisis avant l'engagement des individus en question, soit parce que les recommandations de ces même services fédéraux n'ont pas été suivis d'effet (2), auquel cas les intéressés auraient été embauchés en toute connaissance de cause.

Le rapport parlementaire rappelle également que le Gouvernement portègne n'a jamais répondu aux demandes d'information formulées par la Legislatura (le Parlement monocaméral de la Ville) sur le passé douteux de ces fonctionnaires territoriaux. Et ce n'est pas la première fois que le Gouvernement de Buenos Aires ne donne pas suite à des réclamations constitutionnelles du Parlement local.

L'accumulation des rapports de semblable contenu depuis l'arrivée aux affaires de Mauricio Macri serait surprenante dans les vieilles démocraties européennes qui sont encore les nôtres (pour combien de temps d'ailleurs ?). Il y a beau temps en effet qu'une telle situation aurait abouti à la démission du mandataire politique ou à sa destitution. Même Sarkozy a fini par lâcher Eric Woerth pour beaucoup moins que ça. Or même le procès politique de Mauricio Macri, minoritaire de fait à la Legislatura n'est pas acquis, comme on l'a vu récemment (voir mon article du 17 décembre 2010 à ce sujet) malgré les nombreuses tentatives au sein d'une Legislatura de 70 députés dont seulement 24 macristes (PRO). Les pratiques démocratiques ont donc encore des progrès à faire dans ce pays, traumatisé par plus de 50 ans de coups d'Etat en tout genre et de gouvernements anticonstitutionnels, depuis 1930 jusqu'à 1983, avec une sorte d'accalmie pendant le gouvernement de Domingo Perón, qui ne fut pas, lui non plus, c'est le moins qu'on puisse dire, un règne de grande pluralité politique.

On ne peut malheureusement toujours pas disposer de l'information directe sur le site de la Legislatura, dont la mise à jour est toujours très en retard par rapport à l'activité parlementaire elle-même, sans doute parce que la Chambre semble ne pas faire de la mise à jour du site Internet une priorité d'emploi de ses impressionnantes ressources humaines (3).

Pour aller plus loin en attendant que le site de la Legislatura soit à jour :
Je n'ai pas trouvé mention de la publication de ce rapport ni dans Clarín ni dans La Nación.

(1) sur les 13 groupes (bloques) parlementaires que compte la Legislatura actuelle, ils sont 9 à avoir plus d'un député. Le groupe PRO est le plus fourni, avec 24 membres. L'opposition est extrêmement morcelée. 2 groupes n'ont que 2 députés, 3 en ont 4, dont le bloc péroniste, et le plus fourni, Proyecto Sur, le mouvement socialiste dirigé par Fernando Pino Solanas, en a 8.
(2) L'enquête judiciaire sur les écoutes illégales a révélé que la Présidente Cristina Kirchner avait confidentiellement averti Mauricio Macri du passé des plus douteux de Jorge Palacios. Et il s'avère que Mauricio Macri n'en a tenu aucun compte puisqu'il a tout de même chargé le sulfureux personnage de la sécurité dans la Ville de Buenos Aires. Devant la Legislatura, le 18 août dernier, Mauricio Macri a assuré aux députés qu'il avait obtenu pour cette nomination le feu vert des Ambassades des Etats-Unis et d'Israël, dont on se demande bien à quel titre elles avaient à être consultées sur cette affaire et qui ont d'ailleurs apporté de fermes démentis dans les semaines qui suivirent.
(3) J'ai moi-même eu l'occasion de constater de visu qu'un député dispose d'un personnel beaucoup plus nombreux que ne peut en avoir, par exemple, en France, un membre de la Chambre des Députés ou du Sénat. La liste du personnel de la Legislatura occupe 33 pages d'un tableau très serré (plus de 60 lignes par page), j'ai renoncé à faire la somme des individus émargeant ainsi au budget de la Chambre, d'autant qu'il ne s'agit pas d'un bilan social puisque seul les noms, affectations et dates d'embauche des salariés sont indiqués et en aucun cas leur temps de travail ou leur positionnement hiérarchique. Il n'en reste pas moins que ça fait vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde pour 70 députés en tout et pour tout.