mercredi 29 décembre 2010

Les voeux du Maestro Héctor Negro... en forme de sonnet comme tous les ans [Troesma]

Comme en 2008 et en 2009, je vous traduis ici le sonnet des voeux 2011 du Maestro Héctor Negro, un grand poète du tango qui aura toute sa place dans ma toute prochaine anthologie, à paraître dans la revue Triages des Editions Tarabuste, sous le titre définitif de 200 ans après, Le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango (1), et qui était déjà présent avec quatre letras dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, ed. du Jasmin, mai 2010.

Ceux d'entre vous qui suivent l'actualité argentine sur ce blog ne manqueront pas de remarquer à quel point ce poème est profondément ancré dans la réalité immédiate de Buenos Aires et de l'Argentine (pour les autres, renseignez-vous en lisant mes articles sous le raccourci Actu, disponible dans la partie supérieure de la Colonne de droite).

SONETO PARA EL 2011

Plantados en la década primera
que se nos fue furtiva en el milenio,
cargamos desencantos, broncas fieras
y tropeles de iluminados sueños.

Pero, ya duchos de repechar cuestas
en los años cambiantes de la vida,
llevamos siempre la esperanza puesta,
aunque también recónditas heridas.

Por eso ante la entrada al nuevo año,
nos armamos de fe y de fantasía.
Subimos el repecho a tranco fuerte.

Sembramos algo cada nuevo día
y seguimos cuerpeándole a la suerte,
birlándole jirones de alegría.

Héctor Negro
Diciembre 2010

Sonnet pour l'année 2011

Plantés là, dans la première décennie
qui s'est est allée, à l'anglaise, dans le millénaire
nous chargeons des déceptions, de furieuses rages
et une piétaille de songes pleins de lumière.

Mais, experts dans l'art de remonter la pente
dans les versatiles années de la vie,
nous portons toujours sur nous notre espérance
même si c'est aussi avec des blessures inavouées.

Pour cette raison, avant d'entrer dans l'année nouvelle,
nous nous armons de confiance et de rêves
Nous montons la pente à larges enjambées.

Nous semons quelque chose de nouveau chaque jour
et nous continuons à esquiver la malchance
en lui barbotant (2) des lambeaux de joie.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

La traductrice et auteur de ce blog, en compagnie de (de gauche à droite) Luis Alposta, Walter Piazza et Héctor Negro, le 2 septembre 2010, Academia Nacional del Tango (voir mon retour sur image du 27 septembre 2010 sur cette conférence que j'ai donnée ce soir-là dans le salon d'à côté).


(1) Revue Triages, éditions Tarabuste, rue du Fort, 36170 Saint-Benoît-du-Sault, France. La parution doit intervenir dans les premières semaines de janvier 2011. Les longues périodes d'intempéries de ce mois de décembre ont perturbé l'activité de l'imprimerie, comme l'ensemble de l'activité économique dans le centre de la France.
(2) On peut avoir deux interprétations différentes ici. Le verbe désigne originellement un coup particulier dans un jeu d'adresse (on tire une boule depuis l'endroit où elle avait atterri). Métaphoriquement, il permet donc de désigner une forme d'astuce, de tactique, éventuellement de mauvaise foi, pour s'emparer de quelque chose coûte que coûte. Souvent Héctor Negro aime décrire cette manière qu'ont les Argentins de forcer leur chance, allégorie du système D auxquels ils sont réduits par la domination économique et géostratégique qui fragilise le pays et ses habitants depuis toujours.