Devant le refus ou l'incapacité du Gouvernement portègne (1) d'apporter une solution à la crise aiguë qui dure depuis mardi dernier autour du Parque Indoamericano du quartier de Villa Soldati, le Gouvernement fédéral a envoyé ce week-end la gendarmerie se déployer autour du parc, lequel ressemble plus (on l'a vu dans mon article de samedi) à un terrain vague qu'à un parc tel que nous l'imaginerions en Europe occidentale. Les forces de l'ordre forment donc désormais un cordon de sécurité entre les immigrants étrangers, boliviens pour la plupart, qui ont installé là un campement de fortune sans autorisation, et les groupes plus ou moins organisés qui continuent à semer le trouble tout autour. Hier à la tombée du jour, des groupes ont harcelé les gendarmes pour tenter de les déloger de leur position et d'attaquer à nouveau les squatteurs du parc. Les forces de l'ordre ont dû les chasser à coup de gaz lacrymogènes.
Il est donc de plus en plus improbable que les émeutes aient atteint un tel degré de violence, jeudi et vendredi, par la seule réaction d'une population riveraine excédée par les nuisances (non négligeables en plein été) entraînées par ce campement sauvage sur un terrain non viabilisé. De toute évidence, il y avait parmi les émeutiers qui s'en sont pris aux immigrés des provocateurs qui avaient mission d'envenimer la situation. Peut-être a-t-on d'ailleurs assisté ainsi, sous couvert d'une pseudo-jacquerie spontanée, à un test de la part d'une partie non démocratique de l'opposition qui cherchait à éprouver ou à affaiblir la solidité du pouvoir en place après la mort récente, le 27 octobre dernier, de Néstor Kirchner, l'homme fort du Partido Justicialista, celui de la Présidente (voir l'ensemble de mes articles sur ce décès et ses suites). On a beaucoup dit que Néstor Kirchner était resté le vrai gouvernant et que sa femme, la Présidente actuelle, n'était qu'un prête-nom, une marionnette dont il tirait toutes les ficelles. S'il s'agit bien d'une telle tentative, les factieux se seront sans doute cassé les dents. Mais leur tentative, si c'en est bien une, aura tout de même fait au moins trois morts du côté des immigrés (peut-être quatre) et une dizaine de blessés, dont deux femmes policiers. Sans compter une victime politique potentielle, le premier ministre actuel, Aníbal Fernández, qui voit arriver au Gouvernement un super-ministère de la Sécurité à la tête duquel vient d'être nommée Nilda Garré, qui n'est pas précisément une amie à lui...
Il est donc de plus en plus improbable que les émeutes aient atteint un tel degré de violence, jeudi et vendredi, par la seule réaction d'une population riveraine excédée par les nuisances (non négligeables en plein été) entraînées par ce campement sauvage sur un terrain non viabilisé. De toute évidence, il y avait parmi les émeutiers qui s'en sont pris aux immigrés des provocateurs qui avaient mission d'envenimer la situation. Peut-être a-t-on d'ailleurs assisté ainsi, sous couvert d'une pseudo-jacquerie spontanée, à un test de la part d'une partie non démocratique de l'opposition qui cherchait à éprouver ou à affaiblir la solidité du pouvoir en place après la mort récente, le 27 octobre dernier, de Néstor Kirchner, l'homme fort du Partido Justicialista, celui de la Présidente (voir l'ensemble de mes articles sur ce décès et ses suites). On a beaucoup dit que Néstor Kirchner était resté le vrai gouvernant et que sa femme, la Présidente actuelle, n'était qu'un prête-nom, une marionnette dont il tirait toutes les ficelles. S'il s'agit bien d'une telle tentative, les factieux se seront sans doute cassé les dents. Mais leur tentative, si c'en est bien une, aura tout de même fait au moins trois morts du côté des immigrés (peut-être quatre) et une dizaine de blessés, dont deux femmes policiers. Sans compter une victime politique potentielle, le premier ministre actuel, Aníbal Fernández, qui voit arriver au Gouvernement un super-ministère de la Sécurité à la tête duquel vient d'être nommée Nilda Garré, qui n'est pas précisément une amie à lui...
A Villa Soldati pendant ce temps, protégés par le cordon de gendarmerie, les services du Ministère du Développement social, dont le Ministre n'est autre que Alicia Kirchner, la propre soeur de Néstor Kirchner, ont commencé à recenser les immigrés. Selon le quotidien de gauche Página/12 ce matin, ils sont environ 5000. Et c'est déjà énorme sur un tel terrain. Le quotidien concurrent Clarín avance, quant à lui, le chiffre de 4000 personnes. Une juge de la Ville Autonome de Buenos Aires a réalisé une inspection pour s'assurer que les moyens d'hygiène ont été déployés sur le terrain : accès à l'eau courante et toilettes, le minimum vital qui est installé lors des grands rassemblements festifs, qui sont souvent beaucoup plus peuplés que le campement du Parque Indoamericano.
Comme très souvent, les média français (2) ont été très en dessous de leur devoir d'information (entrefilets dans la presse écrite et reportages d'une minute dans l'audiovisuel) : le même reportage passant sur toutes les chaînes (je l'ai vu hier sur France 3, télévision publique, et ce soir sur LCI, télévision privée) et le Parque Indoamericano comparé au Bois de Boulogne à Paris (quand on sait que le Bois de Boulogne est un des coins les plus huppés de la capitale française !). Les incidents ont été décrits de manière très imprécise et surtout sans contextualisation aucune, comme un fait divers sorti de nulle part. Les journalistes ont parlé de l'Argentine en lui appliquant le modèle d'un pays centralisé (ce qu'elle n'est pas), où les processus de décision seraient semblables à ceux qui existent en France où le maintien de l'ordre est du ressort du seul Gouvernement (central par la force des choses puisque la France n'est pas un état fédéral). En utilisant ainsi un modèle qui n'est pas celui de l'Argentine, en parlant de Mauricio Macri comme du "maire de Buenos Aires", une ville qui justement n'a pas un maire mais un gouvernement autonome, les media français ont ainsi, de manière parfaitement déloyale et pour la seule raison qu'ils voulaient ne pas consacrer trop de temps ou trop de place à cette information, mis en cause le Gouvernement argentin, dont ils ont prétendu qu'il avait attendu 4 jours avant d'envoyer les forces de l'ordre. C'est tout à fait inexact. L'Argentine est un Etat fédéral. La ville de Buenos Aires est une entité autonome au sien de cet Etat fédéral. Aussi le maintien de l'ordre dans cette affaire relevait-il d'abord du Gouvernement Portègne (le gouverment de la ville autonome, qui n'a donc pas de maire). C'est la défaillance de celui-ci, voulue ou subie -peu importe en l'occurrence- qui a obligé le niveau fédéral à prendre en main la situation. Ce qui n'est pas tout à fait normal. Si la ville de Buenos Aires revendique son autonomie, et Dieu sait si dans l'histoire argentine elle l'a réclamée - et à corps et à cris encore ! - et précisément contre le Gouvernement fédéral, alors elle devrait être en mesure d'en assumer toutes les conséquences (et non pas n'en prendre que les avantages pour laisser au Gouvernement fédéral le soin de se dépatouiller tout seul avec les ennuis). Elle aurait dû pouvoir et vouloir étouffer dans l'oeuf ces incidents dès mardi soir. Pourtant, des observateurs ont pu rapporter que la Police Métropolitaine (celle qui dépend de la Ville) est restée les bras croisés à compter les coups dans la journée de vendredi (voir mes articles précédents sur ces émeutes en cliquant sur le mot-clé Villa Soldati dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus). Et cela, les médias français l'ont passé sous silence, préférant faire de l'Argentine et de sa capitale le portrait d'un pays sauvage (qui n'existe bien évidemment pas), dont les habitants s'étriperaient pour un oui ou pour un non, dans des guerres tribales incompréhensibles et qui ne méritent donc pas que les media du nord prennent la peine d'essayer d'y voir clair un tant soit peu. J'aurais préféré, pour ma part, que les média français s'abstiennent de mentionner l'événement plutôt que d'en faire cette caricature, la même qu'ils utilisent pour nous rapporter les émeutes et les conflits qui endeuillent si souvent le continent africain. Cette déclinaison contemporaine de la prétendue supériorité coloniale européenne sur le reste du monde est odieuse et insupportable.
Indigne de la France et du très haut degré d'estime dans lequel sa presse est tenue en Argentine même.
Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12
lire l'article de Clarín
lire l'article de La Nación
Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12
lire l'article de Clarín
lire l'article de La Nación
(1) Pour le moment, la qualification de "refus" ou d'"incapacité" dépend beaucoup de la position politique de la personne qui fait l'analyse. Dans l'ensemble, l'opposition portègne (la gauche pour le dire vite) estime que Mauricio Macri a refusé toutes les solutions qui lui étaient proposées tandis que la droite (il est difficile de parler de majorité à Buenos Aires car même les quotidiens de droite sont en passe de lâcher Macri) a tendance à dire (et c'est de plus en plus avec le temps une tendance plus qu'une conviction affirmée) que Macri a été placé par le Gouvernement fédéral dans l'impossibilité d'adopter des solutions. En général, la droite a tendance à prêter au Gouvernement les intentions les plus noires ou la plus épouvantable des incompétences. Mais le fléau de la balance penche de plus en plus en faveur du Gouvernement fédéral parce que, depuis trois ans qu'il est à la tête de la Ville de Buenos Aires, Mauricio Macri collectionne objectivement les scandales et les procès au pénal, dans lesquels il est soupçonné de très graves irrégularités dans l'exercice de ses fonctions électives, jusques et y compris plusieurs violations des droits de l'homme : écoutes téléphoniques illégales au détriment de victimes d'un attentat (l'un de ses ministres est impliqué aussi, celui-là même qui aurait dû mettre un terme aux émeutes et que personne n'a vu sur le terrain, ni avant ni pendant ni après), création d'une milice composée de barbouzes et autres gros bras ayant pour objectif de faire fuir les sans-abris hors de la ville à force d'agressions physiques et nocturnes, nominations de partisans de l'ancienne Dictature à certains postes-clés de l'administration portègne (directeur de l'Ecole de Police, ministre de l'Education...), recrutement de plusieurs repris de justice dans les rangs de la Police Métropolitaine, un ancien responsable de la sécurité actuellement en prison, des conflits sociaux dans tous les sens, notamment parce que des fonctionnaires territoriaux sont payés au lance-pierre, j'en passe et des pires. Force est de constater qu'en dépit des tentatives acharnées en ce sens de la part de la part de la droite, il n'y a pour l'heure rien de comparable du côté du Gouvernement fédéral, dont seul un ancien ministre (qui est sorti du Gouvernement en juin 2009) est sérieusement dans le collimateur de la justice pour des soupçons, effectivement très graves, de corruption et d'abus de bien public.
(2) Je n'ai pas eu le temps d'aller voir ce qui s'était dit dans les médias belges et suisses. J'espère qu'ils ont été plus à la hauteur.