Il y a 6 mois, je publiais déjà, dans Barrio de Tango (ce blog), un article sur l'inquiétante montée de la mortalité infantile à Buenos Aires, réalité démographique qui montrait la dégradation des services et des politiques publiques dans la capitale argentine à l'égard de la petite enfance (voir mon article du 23 juin 2010 à ce sujet). Ma source était alors le quotidien Clarín, le grand concurrent de Página/12 (source initiale d'aujourd'hui). De nombreux observateurs font remarquer depuis 2008 environ cette dégradation qui correpond à l'arrivée à la tête du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires de Mauricio Macri et de sa ligne ultra-libérale. Or l'indice de mortalité infantile est pour les sociologues et les démographes un des plus imparables moyens d'évaluer le développement réel d'un pays, au-delà de tout discours officiel. C'est en observant les indices de mortalité en URSS que les soviétologues occidentaux ont pu voir se profiler à l'horizon la chute du Mur de Berlin et la fin du régime communiste en Union Soviétique, car un pays qui souffrait de taux de mortalité générale et infantile aussi élevés ne pouvait pas conserver très longtemps le régime qui l'avait conduit à une telle faillite. Il est probable que des phénomènes semblables existent en Corée du Nord et dans les autres pays bunkérisés de l'Asie dictatoriale.
En juin 2010, l'organe de statistiques officiel de Buenos Aires annonçait un taux de mortalité infantile de 8,3‰ en 2009.
Selon Página/12 aujourd'hui, la tendance se confirme cette année puisqu'une autre institution, qui ne dépend pas des pouvoirs publics, l'Observatoire portègne des droits de l'Homme (ODH), dans son rapport 2010, déjà distribué à la presse mais qui ne sera présenté officiellement que ce soir à 19h (heure de Buenos Aires), dans les locaux d'une radio associative et militante, dénonce une mortabilité infantile de 8,1 ‰ cette année(avec des chiffres 2010 incomplets et pour cause) au lieu des 7,3‰ de l'année 2008.
A titre de comparaison, en 2009, en Belgique, ce chiffre était de 3,3, en France, il était de 3,8 et en Suisse de 4,3. Aux Etats-Unis, dont on sait que le système de santé couvre très mal la population pauvre et que le haut niveau de technologie médicale ne profite qu'aux classes moyennes et supérieures, ce taux était de 5,9. Le taux rencontré à Buenos Aires cette année est le même que celui enregistré pour toute la Russie l'année dernière (y compris ses territoires les plus enclavés du cercle polaire et de Sibérie), or il ne fait pas l'ombre d'un doute que la Russie actuelle, avec son chaos et sa désorganisation sociale, est bien moins équipée que la seule ville de Buenos Aires, qui est l'une des plus développées du continent sud-américain. Ce niveau moyen de mortalité infantile, qui est nettement plus lourde au sud de la ville que dans les beaux quartiers du nord (qui néanmoins ne sont pas indemnes du phénomène), donne quelque éclairage sur la rage manifestée par les riverains du Parque Indoamericano ces derniers jours. Si les bébés meurent faute de pouvoir être soignés à l'hôpital, il ne faut pas s'étonner qu'une population qui paye des impôts se révolte, même si elle choisit sans doute ses cibles à tort (les immigrants n'y sont pour rien).
A titre de comparaison, en 2009, en Belgique, ce chiffre était de 3,3, en France, il était de 3,8 et en Suisse de 4,3. Aux Etats-Unis, dont on sait que le système de santé couvre très mal la population pauvre et que le haut niveau de technologie médicale ne profite qu'aux classes moyennes et supérieures, ce taux était de 5,9. Le taux rencontré à Buenos Aires cette année est le même que celui enregistré pour toute la Russie l'année dernière (y compris ses territoires les plus enclavés du cercle polaire et de Sibérie), or il ne fait pas l'ombre d'un doute que la Russie actuelle, avec son chaos et sa désorganisation sociale, est bien moins équipée que la seule ville de Buenos Aires, qui est l'une des plus développées du continent sud-américain. Ce niveau moyen de mortalité infantile, qui est nettement plus lourde au sud de la ville que dans les beaux quartiers du nord (qui néanmoins ne sont pas indemnes du phénomène), donne quelque éclairage sur la rage manifestée par les riverains du Parque Indoamericano ces derniers jours. Si les bébés meurent faute de pouvoir être soignés à l'hôpital, il ne faut pas s'étonner qu'une population qui paye des impôts se révolte, même si elle choisit sans doute ses cibles à tort (les immigrants n'y sont pour rien).
Les causes de ce taux très élevé de mortalité des enfants en bas-âge, on les connaît : abandon financier des hôpitaux et des centres de santé de quartier (où les habitants viennent se faire soigner gratuitement), absence de suivi des grossesses à risques et des femmes enceintes les plus démunies, malnutrition des futures et jeunes mamans dans ces mêmes couches sociales. Parmi les autres atteintes aux droits de l'homme dénoncés par l'organisme en matière de santé, la non délivrance de médicaments dans les hôpitaux à des centaines de patients, faute de stocks disponible, alors que des médicaments en grand nombre attendent tranquillement que soit dépassée leur date d'utilisation dans les locaux d'une entreprise privée chargée par le Gouvernement Portègne de fournir les pharmacies hospitalières. L'année dernière, c'était des ambulances livrées par une instance internationale qui ne roulaient parce que les services municipaux n'avaient pas pris le temps de les immatriculer.
Par ailleurs, le rapport de 38 pages (non encore disponible sur le site de l'organisme) dresse aussi la liste, d'après Página/12, des circonstances au cours desquelles les services municipaux ont refusé de satisfaire à une demande présentée par un étranger. L'ODH a noté que s'était établie une situation de discrimination de la part de responsables du Registre Civil qui refuse de délivrer aux immigrants une attestation de pauvreté lorsque ceux-ci la réclament dans le cadre des procédures de régulation des flux migratoires. On a vu la semaine dernière Mauricio Macri s'en prendre aux Boliviens et au laxisme de la politique gouvernementale (niveau fédéral) en matière d'immigration clandestine pour expliquer la survenue des graves incidents de Villa Soldati (voir mes articles à ce sujet). Or d'après l'ODH, ce sont ses services qui créent le grand nombre de sans papier en leur refusant les documents qui leur donnerait un droit de se maintenir sur le territoire de la République Argentine. L'ODH, dont le rapport était nécessairement déjà rédigé avant les événements, ne fait donc que confirmer l'existence d'une politique xénophone de fond qui a peut-être pu sortir au grand jour la semaine dernière sous la forme de ces déclarations qui ont provoqué une demande d'excuses officielles de la part de l'Ambassade de Bolivie (voir mon article du 10 décembre 2010 à ce sujet) parce que la campagne de l'élection présidentielle et des élections provinciales s'approche (les élections doivent lieu entre juin et octobre 2011).
Pour aller plus loin :
visiter le site de l'ODH