En séance dans l'hémicycle portègne hier, au vu des conclusions du rapport d'enquête parlementaire sur les écoutes illégales, trois députés de l'opposition ont demandé la mise en jugement du Chef du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, Mauricio Macri (voir mon article d'hier sur la sortie de ce rapport d'enquête qui fait de Macri le principal responsable du scandale des écoutes). Néanmoins, les députés macristes (1) ont empêché le vote de se tenir en utilisant diverses astuces de procédure et de comportement. Il ont d'abord empêché que le quorum soit atteint puis provoqué un scandale, en allant crier et s'agiter au pied du perchoir, ce qui a conduit les membres de l'opposition à quitter l'hémicycle en signe de protestation (pour ne pas répondre à la provocation).
Les demandes ont donc été remises au premier vice-président de l'assemblée qui a désormais l'obligation constitutionnelle de convoquer la Chambre Accusatoire à la rentrée parlementaire en mars. C'est cette Chambre Accusatoire, constituée de 45 députés désignés au début de chaque session biennale (75% des 70 sièges que compte la Legislatura), qui pourra dire s'il y a lieu ou non de convoquer Mauricio Macri devant l'autre instance, la Chambre de Jugement, composée des 25 autres députés, une Chambre de Jugement qui, si l'on en arrive là, devra être présidée par le Président du Tribunal Supérieur, étant donné qu'il s'agira de juger le Chef de Gouvernement (elle serait présidée par un député élu à cette fin dans le cas où l'accusé serait un ministre).
Si la Chambre Accusatoire accepte le principe de l'accusation, ce qui n'est visiblement pas encore acquis, même si les macristes ne sont que 17 dans cette instance, alors le Chef de Gouvernement devra, aux termes de la constitution, être suspendu de ses fonctions sans traitement pendant la durée de la procédure. S'il était finalement destitué, cette destitution pourrait être accompagnée d'une interdiction d'exercer une fonction élective à Buenos Aires pendant un délai pouvant aller jusqu'à 10 ans. A partir du moment où la procédure serait enclenchée par la Chambre d'Accusation, le verdict doit être prononcé dans les 4 mois, sans quoi l'accusé est présumé relaxé des faits qui lui sont reprochés.
La Chambre d'Accusation ne pouvant pas se prononcer désormais avant début mars et Mauricio Macri annonçant depuis plusieurs semaines qu'il compte avancer la date des élections à Buenos Aires en juin au lieu d'octobre, on pourrait assister à une belle bataille calendaire dans les quelques jours qui restent avant la fin de l'année et les vacances d'été.
Et pour que tout soit bien clair avant les vacances et que c'est les vacances, le quotidien d'opposition (2) Página/12 offrira à tous ses lecteurs avec son édition de dimanche le texte complet de la Constitution de Buenos Aires, illustrée par le dessinateur et humoriste Miguel Rep, une constitution que vous pouvez consulter directement sur le site de la Legislatura (le document, en pdf, fait 46 pages... à lire en espagnol et sans les illustrations à mourir de rire de Rep !).
Pour en savoir plus :
lire l'article de Clarín
La Nación, jugeant sans doute qu'il n'y a pas péril en la demeure, ne dit pas un mot de l'affaire dans son édition de ce matin. Comme elle était déjà muette hier...
(1) Les députés macristes sont minoritaires en nombre. Depuis juin 2009, le vote majoritaire ne peut être obtenu qu'à travers des alliances, lesquels sont de plus en plus fragiles mais pas assez pour faire défaut lors de la séance d'hier.
(2) Opposition dans la configuration politique propre à Buenos Aires. La situation est inversée au niveau national, ce qui ne simplifie pas la compréhension des forces en présence, surtout pour mes lecteurs français, peu habitués à devoir penser en termes d'organisation fédérale. Mes lecteurs suisses n'ont aucune difficulté à suivre ces méandres. Quant aux internautes belges, la situation chez eux est si complexe que les bisbilles portégno-fédérales ont l'air de pécadilles à côté de ce qu'ils vivent depuis plus d'un an...