A l’occasion de l’anniversaire de sa naissance, le 27 mars dernier (comme le Maestro Héctor Negro (1), mais beaucoup plus tôt dans le siècle et là s’arrêtent leurs ressemblances, surtout poétiques et psychologiques !), Luis Alposta nous offre un de ces petits commentaires composés dont il a le secret sur Cambalache, ce brûlot écrit et composé en 1933 par Enrique Santos Discépolo, en plein coeur de la dépression économique et dans une Argentine sous la botte des régimes anti-constitutionnels de la Década infame.
Il faut donc vous connecter d’urgence au site de Marcelo Villegas, Noticia Buena, sur la page consacrée aux contributions de Luis Alposta, pour lire ce texte court (ça vous apprendra 3 mots d’argentin bien écrits), écouter la voix d’Enrique Santos Discépolo dans un assez long extrait de la dernière catilinaire de sa série électorale A mi no me la vas a contar (Pas à moi, si tu veux bien !) et admirer une caricature qu’en a réalisée à la machine à écrire un ami japonais de Luis Alposta...
Admirable : un seul trait pour dessiner le profil (et le nez, légendaire) de Discépolo, un trait entièrement constitué d’un titre de tango en 4 lettres, l’un de ses plus célèbres et qui laisse entendre la même désespérance que Cambalache. Je ne vous dis pas duquel il s’agit pour vous laisser le plaisir de le découvrir tout seul en cliquant sur le lien ci-dessus.
Attention : toutes les entrées sur Noticia Buena sont temporaires. Marcelo Villegas change les textes de Luis Alposta tous les 15 jours. Donc vous n’avez pas de temps à perdre...
Quelques mots de commentaire en prime :
Cambalache , dont je garde la traduction en français en réserve (2), décrit le monde à la dérive de la crise de 1929 en des termes qui collent parfaitement au monde tel qu’il est 80 ans plus tard... D’où la conclusion de Luis Alposta : "Cambalache, un testimonio triste que se baila" (Cambalache, un témoignage triste qui se danse). Il reprend ici une célèbre définition que Discépolo donna du tango : "un pensamiento triste que se baila".
La série de sketches politiques radiophoniques écrits et interprétés par Enrique Discépolo dans la dernière partie de 1951, sur Radio Belgrano, dans le cadre de la deuxième la campagne électorale de Juan Perón, a déjà fait l’objet de quelques allusions et d’un article dans Barrio de Tango. Il faut donc aller voir du côté de la Semaine du goût (en France), sous le raccourci Coutumes (voir Colonne de droite) ou dans les archives à la hauteur des articles du mois d’octobre 2008. Vous pouvez taper sur l’article lui-même ou sur la série Semaine du goût (et là, vous pourrez vous régaler avec Discépolo et Alposta d’un seul clic d’un seul). Le passage que vous pouvez écouter sur Noticia Buena correspond à la fin du dernier sketch de la série : "ce n’est pas moi qui ai inventé Perón, ce n’est pas moi qui ai inventé Eva Perón, la miraculeuse. Non, ce n’est pas moi, c’est toi, Mordisquito, c’est toi avec ta cruauté envers les ouvriers, envers le peuple, toi qui les forçais à vivre dans la promiscuité avec la vermine et les rats...."
Discépolo (qui était aussi comédien, comme vous le savez), étrangement posé au début, s’échauffe peu à peu au fur et à mesure qu’il développe son raisonnement, avec un extraordinaire talent de tribun.
Le texte complet de la série de ces interventions radiophoniques est disponible sur le site argentin El Ortiba, en cliquant sur le lien Relatos radiales de Mordisquito (l’intégrale de ce document historique s’y ouvre en format pdf).
La caricature qui illustre l’entrefilet de Luis Alposta est l’oeuvre de Yoyi Kanematsu et elle est dédicacée au poète argentin (avec son nom écrit en syllabaire japonais). Ce n’est pas un hasard. Luis Alposta est l’un des spécialistes de l’histoire du tango au Japon. Il a publié aux éditions Corregidor un petit livre à ce sujet, intitulé El tango en Japón, Buenos Aires, 1987. A lire de toute urgence (170 pages, ce n’est pas très long) avant de profiter de la tournée de la chanteuse Anna Saeki en France et en Allemagne, à la fin de ce mois et tout au long du mois de mai 2009.
(1) Héctor Negro et Luis Alposta s’apprécient beaucoup mutuellement. Donc je sais que je joue sur du velours...
(2) Parmi beaucoup d’autres. Des tangos très connus et des moins connus qui gagneront à l’être. Tout est prêt de mon côté mais pour le moment le manuscrit se trouve encore sur le bureau d’un éditeur. La raison est toute simple, Cambalache n’appartient pas encore au domaine public (Discépolo est mort en 1951). Et ce n’est pas parce qu’on est sur le Web qu’on a le droit de faire n’importe quoi n’importe comment avec les droits d’auteur, même de quelqu’un qui est mort il y a presque 60 ans. Cela sert à ça aussi, un éditeur...