mercredi 30 juin 2010

L’Uruguay prépare sa compétition nationale de tango danse pour le Mundial d’août [à l’affiche]


L’association montévidéenne Joventango et plusieurs autres institutions, dont Tangovía, l’association portègne menée par Ignacio Varchausky, la municipalité de Montevideo et le Mundial lui-même organisent à compter du 8 juillet le championnat national uruguayen de tango danse pour trouver les couples qui représenteront le pays au Mundial qui se tiendra pendant la dernière semaine d’août 2010 à Buenos Aires.

Pour assister aux trois tournois, classifications, demi-finale et finale, il vous en coûtera 380 pesos uruguayens et vous pouvez acheter vos places dans quatre milongas de la capitale uruguayenne.

Par ailleurs, les inscriptions au Mundial sont libres. Tout le monde peut participer. Généralement, les championnats locaux permettent de déterminer des couples dont la participation, le voyage et le séjour seront offerts par l’organisateur du tournoi local.

Pour en savoir plus sur cette grande compétition internationale qui se tiendra prochainement à Buenos Aires, cliquez sur le mot-clé Mundial, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus. Pour une fois, le mot ne renvoie pas à la FIFA.

Multiples tournois de tango danse en Argentine [à l’affiche]

C’est l’AMBCTA, l’association des professeurs, danseurs et chorégraphes de tango argentin, dont le lien se trouve dans la rubrique Eh bien dansez maintenant ! dans la Colonne de droite, qui présente sur son site les multiples compétitions qui vont sélectionner les couples qui représenteront plusieurs villes et provinces au Mundial de Tango à la fin du mois d’août 2010.

Si vous la consultez maintenant (pas dans six mois ou dans trois ans), vous découvrirez sur cette page de leur site les tournois de Vicente López, dans la banlieue nord de Buenos Aires et de la Zone Ouest du Gran Buenos Aires ainsi qu’à Bahía Blanca, tout au sud de la Province de Buenos Aires.

Et si vous descendez un peu plus bas, vous découvrirez qu’on donne des cours de tango à l’hôpital psychiatrique Borda, là où Alejandro Szwarcman anime déjà un atelier d’écriture de tango (voir mon article du 26 mars 2009 sur l'un des ateliers conduit par Alejandro et le type de programme qu'il y aborde).

Une contribution de Luis Alposta à Polar en Plein Coeur : article n° 1500 [Troesma]


Il y a quelques semaines, alors que je préparai ma conférence Polar et Tango : mêmes combats ?, que je devais présenter au Salon Polar en Plein Coeur (de Paris), le 11 juin, j’ai téléphoné à Luis Alposta comme je le fais cada tanto (de temps à autre), pour prendre de ses nouvelles. Et quelques minutes après, il m’envoyait ce texte dont nous venions de parler et qu’il a écrit pour servir de postface à un roman policier écrit par un grand letrista et grand essayiste de tango : Francisco García Jiménez à qui l’on doit quelques chefs d’oeuvre, dont Palomita Blanca (Petite colombe blanche) ou Zorro gris (renard gris) et de nombreux autres, dont j’ai traduits quelques uns (entre autres, Zorro gris et Chaparrón) dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, ed. du Jasmin (mai 2010)... que Luis Alposta a postfacé.

A Francisco García Jiménez, on doit en particulier un essai intitulé Carlos Gardel y su época, publié en 1976 par Corregidor, et une compilation d’anecdotes sur la genèse d’une certain nombre de tangos qui sont devenus des classiques, Así nacieron los tangos, chez le même éditeur, qui est l’éditeur de référence en la matière, pour la qualité de son catalogue (il a tous les grands du genre).

Ce cadeau que Luis m’a adressé début juin, je vous le fais à mon tour en ce dernier jour du mois et en version bilingue, comme toujours sur Barrio de Tango (le blog)... D’autant que c’est aujourd’hui l’anniversaire de Luis. Il est né à Villa Urquiza, le 30 juin 1937, une année qui a son tango, intitulé 1937, un tango de Mario C. Gomila, pour les paroles, et Julio de Caro, pour la musique, dont il m'a envoyé ce soir un enregistrement tiré de son immense collection (1).

Acerca de Francisco García Jiménez autor de una novela policial
Para la realidad de un certificado firmado por un médico en el verano de 1983, Francisco García Jiménez ha muerto. Sigue vivo en las realidades que nos proponen sus tangos, en la voz de Gardel y en la de tantos otros, en muchas de las melodías de Anselmo Aieta, en la Canción del Estudiante, en sus crónicas históricas, en sus artículos periodísticos y en el recuerdo de todos los que lo hemos tratado.
Luis Alposta

Au sujet de Francisco García Jiménez, auteur de roman policier
Selon la réalité d’un certificat signé par un médecin au cours de l’été 1983, Francisco García Jiménez est mort. Il continue à vivre dans les réalités que nous proposent ses tangos, dans le chant de Gardel et dans celui de tant d’autres, dans nombre de mélodies de Anselmo Aieta (2), dans la Canción del Estudiante, dans ses chroniques historiques, dans ses articles de presse et dans notre mémoire à nous qui l’avons fréquenté.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Autor talentoso y prolífico, era previsible que dejase alguna de sus obras inédita. Lo imprevisible ha sido que se tratara de una novela policial.
En Misterio en la Vuelta de Rocha, tal su título, son convocados, del Támesis y el Sena al Riachuelo, Sherlock Holmes, Arséne Lupin y Joseph Rouletabille, los que concurrirán puntualmente a la cita para develar un enigma. Lo harán con fidelidad a las leyes del género e imponiendo cada uno sus habituales técnicas deductivas.
Luis Alposta

Auteur talentueux et prolifique, il était prévisible qu’il laissât quelqu’une de ses oeuvres inédites. L’imprévisible, c’était qu’il s’agirait d’un roman policier.
Dans Mystère à la Vuelta de Rocha, tel est son titre, se donnent rendez-vous, depuis la Tamise et la Seine du côté du Riachuelo, Sherlock Holmes, Arsène Lupin et Joseph Rouletabille, eux qui accoureront au rendez-vous de manière ponctuelle pour résoudre une énigme. Ils le feront avec fidélité aux lois du genre et en imposant chacun ses habituelles techniques de déduction.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

En estas páginas, publicadas por Corregidor, campea un levísimo aire local, sin que en ningún momento se apele al regionalismo. Acaso la cadencia del lenguaje, cierto tono o el nombre de una calle y el de un barrio sean los únicos datos que denoten la geografía. Se trata de una historia bien urdida, que gira magistralmente sobre sí misma y cierra un círculo en el que quedan la soledad y el drama de su protagonista.
Luis Alposta

Dans ces pages, publiées par Corregidor, campe un très léger air local, sans qu’à aucun moment on en appelle au régionalisme. A peine si la cadence du verbe, tel tonalité ou le nom d’une rue ou celui d’un quartier sont les uniques données qui dénotent la géographie. Il s’agit d’une histoire bien construite, qui tourne magistralement sur elle-même et qui boucle la boucle dans laquelle demeurent la solitude et le drame du protagoniste.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Francisco García Jiménez cambiaba de género literario con la naturalidad de aquel que está acostumbrado a cambiar de traje. Un impecable corte sigue siendo su constante.
Luis Alposta

Francisco García Jiménez changeait de genre littéraire avec le nature de celui qui a l’habitude de changer de costume. Une coupe impeccable reste une constance chez lui.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :
Connectez-vous à la page du roman sur le site de Corregidor (vous y retrouverez les phrases de Luis réarrangées façon marketing).
Connectez-vous à la page de Francisco García Jiménez sur Todo Tango
Connectez-vous à la page de Luis Alposta sur Todo Tango

Et pour finir, écoutons l’un des plus grands succès de Francisco García Jiménez (3), le tango Siga el corso (que le cortège poursuive sa route), musique de Anselmo Aieta, enregistré par Carlos Gardel à Barcelone en 1927, Carlos Gardel dont Luis a fait en 10 traits une somptueuse et très souriante esquisse qui figure sur le timbre commémoratif des 75 ans de la mort du chanteur (voir mon article du 24 juin 2010 à ce sujet). Tango mis en ligne sur et par Todo Tango, comme toujours.

(1) J'essayerai de vous le présenter dans les jours qui viennent, si la newsletter de juillet (qu'il faut encore que je prépare) me laisse un peu de temps dans ces semaines folles.
(2) Le compositeur et bandonéoniste Anselmo Aieta (1896-1964) a été le partenaire par excellence de García Jiménez. Tous les deux, ils ont formé un de ces duos créateurs très identifiables comme l’histoire du tango en a un bon paquet.
(3) Flûte, celui-là, il est connu et je ne l’ai pas inclus dans mon livre. Heureusement, il y en a d’autres...

mardi 29 juin 2010

Ouverture de l’exposition sur Carlos Gardel à Toulouse [Troesma]

L’exposition Carlos Gardel ou le tango universel se tiendra à Toulouse, à la Médiathèque José Cabanis, 1 allée Jacques Chaban-Delmas (M° Marengo) à partir d’aujourd’hui 29 juin 2010 et jusqu’au 18 juillet. Le vernissage aura lieu jeudi 1er juillet, à 18h, à l'invitation de la Mairie de Toulouse et de la Commission Culture du Festival Tangopostale dans lequel elle trouve place.

L’exposition est ouverte les mardis, mercredis, vendredis et samedis de 10h à 19h, les jeudis de 14h à 19h et les dimanches de 14h à 18h.

Voilà le texte de présentation diffusée par la Commission Culture du Festival, en partenariat avec la Médiathèque et l’association Carlos Gardel :

"Carlos Gardel, c’est d’abord une voix, celle du plus grand chanteur de tango de tous les temps. C'est aussi une vie exceptionnelle pour ce toulousain, argentin d’adoption, citoyen du monde, devenu mythe.
Du troubadour au chanteur de tango, Carlos Gardel s’est imprégné de l’âme populaire de l’Argentine, pour mieux la célébrer, en attirant à lui des paroliers et des musiciens talentueux. Compositeur intuitif, il a su s'adapter aux évolutions de son époque : le microsillon, la radio puis le cinéma en diffusant la culture du tango en Amérique du Sud, en Europe et aux Etats-Unis.
Créateur du "tango chanté", il a profondément transformé le tango en introduisant le drame et la théâtralité dans son interprétation et lui a donné une dimension universelle."

Encore du foot, du rire et de la politique en manchette de Página/12 [Jactance & Pinta]

En quart de finale, comme chacun le sait, l’Argentine va affronter l’Allemagne.


Les deux footeux se penchent sur l’écran des pronostics.

Le premier : Les fois d’avant, comme ça s’est passé entre nous et l’Allemagne ?
Le second : Dans le match amical de mars, c’est nous qui avons gagné. Au cours de l’autre Mondial, ils ont gagné aux penalties. Et en 1981, avec Alemann au Ministère de l’Economie, l’Argentine a perdu au règlement.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Ajuste : c’est à la fois un ajustement financier (il en est beaucoup question en ce moment dans l’actualité argentine avec le traitement de la dette publique et ses conséquences) et un règlement de compte (avec violence). En 1981, l’Argentine vivait sous la dictature de la Junte Militaire et un nouveau procès de Jorge Videla, le putchiste de 1976, va s’ouvrir dans quelques jours à Córdoba, à l’ouest du pays.

lundi 28 juin 2010

Tango entre Rep et la Sélection Nationale [à l’affiche]


Au lendemain de la victoire argentine sur le Mexique à la Coupe du Monde de Football par 4 à 1, dont un but foudroyant (un golazo) de Carlos Tevez et malgré une erreur d’arbitrage qui entrera dans les annales comme sa consoeur anti-britannique dans l’après-midi, ce dessin de Miguel Rep se passe de tout commentaire. Même le texte est compréhensible (alargar = s'allonger, s'aggrandir).

Celui qui précède n’est là que pour les Internautes européens qui découvriront cet article dans quelques mois ou quelques années et qui ne pourront plus rien y comprendre...

En tout cas, en plusieurs années, c’est la première fois que je vois Página/12 consacrer sa première page au football (d’habitude, c’est plutôt l’usage chez Clarín) et qui plus est, pour une rencontre en huitième de finale. Que sera-ce si les Albicelestes remportent leur troisième étoile !

Le gros titre de Página/12 fait bien sûr allusion autant à Fort Apache qu'à la tignasse du footballeur... Admirez le style réaliste où tout un chacun aura reconnu la scène exacte admirer hier soir à la télévision (TF1 en France...)

On n’a pas tous les jours 20 ans (bis) [Actu]

C’est aujourd’hui le 20ème anniversaire de la fondation de la Academia Nacional del Tango de la República Argentina, qui a son siège depuis une huitaine d’années au 1835 avenida de Mayo, au-dessus du célèbre Gran Café Tortoni, après avoir squatté pendant de nombreuses années la bodega (la cave) du dit Gran Café...

Lundi dernier, cet anniversaire a été joliment fêté par Horacio Ferrer, l’heureux fondateur, à qui revient tout le mérite (et il n’est pas mince) d’avoir obtenu l’institution d’une telle maison dans une Argentine où le tango était la dernière chose qui pouvait mériter une Académie Nationale. Voir mon article du 19 juin 2010 sur ce plenario festif et solennel...

Pour mieux connaître la Academia Nacional del Tango, après avoir lu les articles que j’ai consacrés à ses activités depuis bientôt deux ans (en cliquant sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus), vous pouvez aller consulter son site, dont vous trouverez le lien dans la partie inférieure de la Colonne de droite, dans la rubrique Les Institutions.

Et pour ceux qui se demandent à quoi correspond ce bis dans le titre de l’article, je répondrai qu’il y a déjà eu un premier 20ème anniversaire dans les colonnes de Barrio de Tango, celui de la maison de disques Melopea, fondée par Litto Nebbia en novembre 1988 (voir mon article du 1er décembre 2008 à ce propos).

Conférence de Solange Bazely à Toulouse vendredi et ailleurs en juillet et août [ici]

Vendredi 2 juillet 2010 à 18h, Solange Bazely donnera sa conférence Si le tango m’était conté à la Maison Midi-Pyrénées, 1 rue de Rémuzat. Entrée gratuite. Inscription au 05 34 44 18 18.

La conférence sera suivie d’une dégustation-vente de produits argentins.

Les prochaines conférences de Solange auront lieu le samedi 10 juillet à 14h30, Salle Antoine Osète, Espace Duranti, 4/6 rue du Lieutenant Colonel Pelissier à Toulouse, dans le cadre du festival Tangospotale, dont elle est l’une des organisatrices, puis le dimanche 15 août à 18h, dans le cadre des 7èmes Rencontres Musicales de 9 Fontaines, à Conflens-Salau, dans l’Ariège.

Ces deux conférences seront consacrées à l’histoire du bandonéon. Il faut aller les écouter. Solange est une des meilleures expertes de l’histoire de cet instrument et en remontrerait à des nombreux Argentins sur la question.

Viviana Scarlassa et Las Rositas au Torcuato Tasso ce mercredi [à l’affiche]

La chanteuse et comédienne Viviana Scarlassa, que vous connaissez entre autre parce qu’elle est la voix du groupe féminin China Cruel, se produit mercredi 30 juin 2010 à 21h30 accompagnée par le trio Lacruz, Heller et Nikitoff, et partagera la soirée avec le trio de cordes Las Rositas, un ensemble piano, violon et violoncelle de Córdoba.

Entrée 30 $.
Centro Cultural Torcuato Tasso, Defensa 1575, dans le quartier de San Telmo.

A voir si vous vous trouvez à Buenos Aires.

Et si vous connaissez déjà un peu le fonctionnement de ce blog, vous savez que pour lire d’autres articles sur ces artistes, il vous suffit de cliquer sur leur nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, et que pour naviguer au milieu des bientôt 1500 articles de Barrio de Tango, vous pouvez vous aider des raccourcis qui sont distribués en rubriques thématiques tout au long de la partie supérieure de la Colonne de droite.

dimanche 27 juin 2010

Tangos del Bicentenario - Del Prostíbulo al diván à 36 Billares [à l'affiche]

Les chanteuses Gabriela Elena et Lucrecia Merico remettent le couvert ce soir au Bar Notable 36 Billares, avenida de Mayo 1265, à 19h, avec leur tour de chant intitulé Tangos del Bicentenario - Del Prostíbulo al diván (Tangos del Bicentenaire - De l'hôtel borgne au divan [du psychanalyste]).

Pour ce spectacle où elles interprètent des tangos des origines, de l'âge d'or et des toutes dernières années (dont des créations de Gabriela Elena elle-même), elles seront accompagnées par les guitares de Juan María Paez et Nacho Iruzubieta et les percussions de Victoria Tricárico.

Et sur la percussion dans le tango, reportez-vous à l'interview de Juan Carlos Cáceres publiée vendredi dernier par Página/12.

Sur ce spectacle et pour lire les précédents articles que j'ai consacrés à ces artistes, cliquez sur leur nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

samedi 26 juin 2010

Interview de Juan Carlos Cáceres dans Página/12 [Disques & Livres]

C'est une interview passionnante et tous azimuts que Juan Carlos Cáceres accorde à un Cristian Vitale qui reconnaît avoir quelque peine à le suivre dans les circonvolutions de ses propos et de son érudition. Nous sommes là en pleine querelle récurrente en Argentine entre histoire déniée et histoire officielle.

Comme je l'ai expliquée à d'autres occasions en cette année où l'Argentine célébre les deux cents ans de sa fondation mythico-historique du 25 mai 1810, il y a deux histoires antagonistes du pays : d'un côté l'histoire qui s'est imposée comme l'histoire officielle et qui a été élaborée dans les années 1860 par des hommes politiques eux-mêmes journalistes et historiens, qui étaient habités par le projet politique d'une Argentine à construire sur le modèle de l'Angleterre victorienne, puissance commerciale qui dominait le monde ; de l'autre côté, ce que le peuple a vécu et qui est resté dans l'ombre, voire qui a été nié par la classe dominante, notamment l'existence de l'esclavage (aujourd'hui encore, plus de 25 ans après le retour de la démocratie, de nombreux Argentins ignorent qu'il y a eu des esclaves noirs sur le territoire de leur pays), l'apport culturel afro-américain, la réalité de l'immigration pan-européenne des années 1880-1930, l'existence de courants de pensée européen ou autochtone comme l'anarchisme (autour du Río de la Plata, l'anarchisme russe a rencontré l'anarchisme pampero), les théories socialistes, le marxisme, etc. En parallèle à cet antagonisme entre les deux histoires, il y a l'antagonisme entre les deux visions de l'Argentine : d'un côté une Argentine qui serait un pays d'Europe comme un autre, malgré la réalité géographique, de l'autre, une Argentine proprement sud-américaine avec une culture et une société originales et une automonie économique à construire pour faire basculer le pays d'une économie coloniale (production de matières premières et achat à l'étranger de produits manufacturés) à une économie de production complète, de matières premières et de produits manufacturés, pour une balance commerciale en équilibre. Sur ces questions lancinantes, je vous renvoie notamment à mon article du 22 juin 2010 sur l'historien Norberto Galasso et à de nombreux articles référencés sous le mot-clé histoire (dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus ou dans la partie haute de la Colonne de droite).

Le travail de Juan Carlos Cáceres, qui vit à Paris depuis 1968, appartient sans aucune hésitation possible à la vision d'une Argentine résolument sud-américaine, à l'Argentine piétinée par la morgue des élites intellectuelles et économiques auxquelles Bartolomé Mitre (1821-1906) et Domingo Sarmiento (18/11-1888) ont donné un lustre culturel incontestable.

Dans le tango, cet antagonisme historique et politique se décline en acceptation, voire revendication, et refus de la composante noire dans la genèse du genre. Le tango for export, celui qui est utilisé par l'industrie du show-business et du tourisme de masse à l'intention d'un public étranger qui n'y connaît rien ou pas grand-chose, est un tango totalement négateur de la négritude argentine. Dans le tango authentique, il existe, encore aujourd'hui, un mur invisible qui sépare les deux tangos. La séparation de Buenos Aires en deux entre les admirateurs de Juan D'Arienzo et ceux de Osvaldo Pugliese dans les années 30, 40 et 50 fut très symptômatique de cet antagonisme politico-culturel : D'Arienzo ignore les racines noires, Pugliese les interroge à sa façon et compose plusieurs morceaux qui font référence à cette négritude alors tout à fait souterraine et même clandestine... Dans cette interview comme dans tous ses propos ent toutes circonstances, Juan Carlos Cáceres (et il n'est pas le seul) assimile ceux qui ne veulent pas entendre parler de la négritude du tango à des négationistes.

Le compositeur, pianiste, chanteur et artiste-peintre, vient de publier, à Buenos Aires, un ouvrage de recherche sur l'histoire du tango, une commande des éditions Planeta, groupe éditorial majeur du monde hispanique, qui souhaitaient le voir écrire le contenu des conférences qu'il donne un peu partout dans le monde, et qu'il distille aussi auprès d'un public intime plusieurs fois par mois dans son studio de la rue Rochechouart, dans le 9ème arrondissement de Paris. Ce travail de recherche ultra-poussée porte un titre long comme le bras : Tango negro, la historia negada: orígenes, desarrollo y actualidad del tango (Tango noir, l'histoire niée : origines, développement et actualité du tango). Ceux qui connaissent déjà un peu Juan Carlos Cáceres reconnaissent immédiatement les thèmes qui traversent son oeuvre depuis des années, au point d'en indisposer plus d'un. Car ici aussi la querelle existe, entre ceux qui s'intéressent à cette histoire cachée et ceux qui préfèrent s'en tenir à un tango monolythique, pas trop compliqué à comprendre, pas trop éloigné finalement des clichés imposés par l'exploitation commerciale du genre. Dans le même temps, pendant ces deux mois passés en Argentine, Juan Carlos Cáceres a sorti à Buenos Aires un nouveau disque, intitulé Cáceres 40 ans pour ses 40 ans de carrière, passés essentiellement en France.

Verbatim de cette interview fleuve :

“Cuando regresé a Francia, entusiasmado por todo lo que había visto y vivido allí, empecé a tener el afán de mostrar la música de mi país y noté la ausencia de tambores en el tango. Me pregunté por qué en la Argentina no se usaba el tambor en el género, por qué a los músicos les costaba entrar en la percusión. ¿Tal vez porque se había perdido la espontaneidad ligada al ritmo candombero original o a la improvisación cuando estallaba la verdura rabiosa?”, copia hablando lo escrito en la página 50. [...]
Juan Carlos Cáceres, cité par Cristian Vitale dans Página/12

Quand je suis rentré en France [d'une rencontre internationale d'artistes au Mexique en 1973], enthousiasmé par tout ce que j'avais vu et vécu là-bas, j'ai commencé à sentir une grande envie de montrer la musique de mon pays et j'ai remarqué l'absence de tambours dans le tango. Je me suis demandé pourquoi en Argentine, on ne se servait pas du tambour dans ce genre, pourquoi les musiciens avaient tant de mal à se mettre à la percussion. Peut-être parce qu'on a perdu la spontanéité liée au rythme du candombe originel ou à l'improvisation où éclatait une verdeur enragée ? (1) dit-il en répétant ce qu'il a écrit à la page 50.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Cáceres derriba de varios plumazos a los negacionistas [...], hermana al género con el ragtime, la habanera y el jazz, y defiende su postura oponiendo con argumentos sólidos ciertas frases hechas del tipo “el tango de negro no tiene nada”, “los negros vinieron, se fueron y se llevaron su música”, “la percusión nunca fue utilizada en el tango”, “el tango nació por generación espontánea” o “el tango no se improvisa”. “¿De dónde salió eso de que en el tango no se improvisa? ¿Quién lo inventó?”, interroga en voz alta. “Es cierto que no todos los músicos del género tenían esa disponibilidad de espíritu para lanzarse a la improvisación, pero había muchos más de los que uno cree. Bandoneonistas como Troilo o Ruggiero eran tipos que zapaban, que improvisaban, y el más grande de todos fue Roberto Pansera, que llegó a tocar en jam session de bebop con el Gato Barbieri y Lalo Schifrin. Así que no me vengan a decir que con el bandoneón no se puede improvisar”, se exaspera.
Juan Carlos Cáceres, cité par Cristian Vitale dans Página/12

Cáceres démolit de quelques traits de plume les négationistes, [...] fait du genre le frère du ragtime, de la habanera et du jazz et défend sa position en s'opposant avec de solides arguments à certaines phrases toute faites du type : "le tango des noirs n'a rien à dire", "les noirs sont venus, sont partis et ont emporté leur musique", "la percussion n'a jamais été utilisée dans le tango", "le tango est né par génération spontanée" ou "le tango ne s'improvise pas" (2). D'où sort cette histoire que le tango ne s'improvise pas ? Qui a inventé ce truc ? demande-t-il à haute voix. Il est évident que tous les musiciens du genre n'avaient pas la disposition d'esprit de se lancer dans l'improvisation mais il y en avait beaucoup plus que ce que l'on croit. Des bandonéonistes comme Troilo et Ruggiero étaient des types qui partaient à l'aventure, qui improvisaient, et le plus grand de tous fut Roberto Pansera, qui a même jouer en jam sessions de bebop avec el Gato Barbieri et Lalo Schifrin. Alors qu'on ne vienne pas me dire qu'au bandonéon, on ne peut pas improviser, s'exaspère-t-il.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Quién fogoneó esa postura, según su visión?
–Creo que es un fenómeno de las nuevas generaciones que salen de las academias, de músicos jóvenes que son más papistas que el Papa (risas). Pueden tocar muy bien imitando a Pugliese, pero escarbando un poco tienen una actitud de jóvenes viejos.
Juan Carlos Cáceres, cité par Cristian Vitale dans Página/12

- Qui a mitonné cette position, à votre avis ?
- Je crois que c'est un phénomène des nouvelles générations que sortent des académies (3), de musiciens jeunes qui sont plus papistes quele Pape (rires) (4). Ils peuvent jouer très bien en imitant Pugliese mais si vous fouillez un peu, ils ont une attitude de jeunes vieux.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Eso se condice con su frase de batalla: “La modernidad está en los orígenes”.
–Es obvio. Y es algo que no digo solamente yo. Ya lo había dicho Norberto Gandini, el hermano de Gerardo, que era un genio tocando la corneta en La Porteña Jazz Band. El decía que en el jazz evolucionar era retroceder. Bueno, Wynton Marsalis, que es una de las figuras centrales del jazz de hoy, empezó a escarbar en el jazz tradicional pre Armstrong.
Juan Carlos Cáceres, cité par Cristian Vitale dans Página/12

- Cela va avec votre cri de guerre : La modernité est dans les origines.
- Cela coule de source. Et c'est quelque chose que je ne suis pas le seul à dire. Déjà Norberto Gandini, le frère de Gerardo, l'avait dit, qui était un génie pour jouer du piston dans la Porteña Jazz Band. Lui, il disait que dans le jazz, évoluer c'était aller en arrière. Tiens, Wynton Marsalis, qui est une des figures centrales du jazz d'aujourd'hui, a commencé par fouiller dans le jazz traditionnel pré-Armstrong.
(Traduction Densie Anne Clavilier)

[Cáceres] se las arregla con rigurosidad de fundamentos para detectar los estilos musicales que dieron origen al tango (habanera + milonga surera + candombe urbano + “el elemento europeo”) y lo enmarca en una historia política, social y económica que lo envuelve. Por ejemplo, todo el período de Juan Manuel de Rosas y su vinculación con la cultura afro. “Hay un trabajo esencial sobre esto, que incluso está escrito por alguien de la contra, que es Ramos Mejía. Me refiero a Rosas y su tiempo, un libro que leí al detalle, y que tiene un pasaje referido al candombe, encerrado dentro de un capítulo que se llama ‘Rosas y las mujeres’. Mejía describe a las mujeres del primer círculo, a las guarangas, que son como las nuevas ricas, el medio pelo de la época, y luego a la chusma, que incluye a las negras, el candombe y la descripción de esos ritos similares a la santería, al vudú, que luego van a estar presentes en el primer tango”
Juan Carlos Cáceres, cité par Cristian Vitale dans Página/12

[Cáceres] compense [sa difficulté à écrire] (5) avec des bases de grande rigueur pour détecter les styles musicaux qui ont donné naissance au tango (habanera + milonga susera + candombe citadin + l'élément européen) et l'intègre dans une histoire politique, sociale et économique qui l'enveloppe. "Il y a un travail essentiel à ce sujet, qui est même écrit par quelqu'un de l'avis contraire, qui est Ramos Mejía (6) . Je veux parler de Rosas et son époque, un livre que j'ai lu en détail et où il y a un passage sur le candombe, pris dans un chapitre qui s'appelle Rosas et les femmes. Mejía décrit les femmes du premier cercle, les guarangas, qui sont comme les nouvelles riches, c'était les parvenus de l'époque, et après la populace, qui inclut les noires, le candombe et la description de ses rites similaires au chamanisme, au vaudou, qui seront présents ensuite dans le premier tango.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿En qué sentido, en concreto?
–Bueno, si uno estudia la cultura popular de barrios como Montserrat o San Telmo en esa época, va a darse cuenta de que hay una música que persiste en el tiempo, una tradición oral que se transmite de generación en generación y llega hasta el primer tango. Incluso muchos negros lo bailan, lo que pasa es que lo hacen encerrados y a oscuras, muy dentro de sus casas. Aquí aparecen las raíces negras, que son el ritmo fundamental del tango, aparecen el encuentro y el mestizaje de las diferentes tradiciones africanas, que después van a ser parte del tango, en el que el bandoneón en un principio era una curiosidad. Hay un dato contundente: en 1907 aparecen dos grabaciones cantadas por Villoldo y Arturo de Nava, que se llaman “El negro alegre” y “Tango de los negros”.
Juan Carlos Cáceres, cité par Cristian Vitale dans Página/12

- Dans quel sens, concrètement ?
- Hé bien, si on étudie la culture populaire de quartiers comme Monserrat ou San Telmo à cette époque-là, on va se rendre compte qu'il y a une musique qui persiste à travers le temps, une tradition orale qui se transmet de génération en génération et qui aboutit au premier tango. Et même beaucoup de noirs le dansent. Ce qui arrive, c'est qu'ils le font enfermés et dans l'obscurité, bien à l'intérieur de leur maison. C'est là qu'apparaissent les racines noires, qui sont le rythme fondamental du tango, là qu'apparaissent la rencontre et le métissage des différentes traditions africaines, qui plus tard seront partie intégrante du tango, dans lequel le bandeonéon au départ était une bizarrerie. Il y a un fait incontournable : en 1907, apparaissent deux enregistrements chantés par Villoldo et Arturo de Nava (7), qui s'appellent El negro alegre (le joyeux noir) et Tango de los negros (tango des noirs) (8).
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Dernier extrait pour finir de se rattacher au thème de l'année, qui est cette grande interrogation des penseurs argentins sur ces 200 ans de construction si difficile de ce pays très complexe :

–Todo es político, al cabo...
–Es un problema vasto. El negacionismo no solamente alcanza a lo afroargentino. Es investigar un poco y encontrarse con un paquete de prejuicios que siguen programándose después de varias generaciones, fuera y dentro del tango, ¿no? Porque el tango es un epifenómeno que aparece en nuestra cultura como una manifestación que genera la expresión cabal de lo que es el pueblo rioplatense. Luego existen otras cosas que tienen que ver con la cultura general del pueblo entre las que el tango figura como una excrecencia más para las posiciones negacionistas que se perfilan desde fines del siglo XIX y que quieren contar y hacer el país según sus caprichos.
Juan Carlos Cáceres, cité par Cristian Vitale dans Página/12
(ci-contre photo de Sandra Cartasso)

- Tout est politique, en somme...
- C'est un vaste problème. Le négationisme ne touche pas seulement l'afro-argentin. Il faut chercher un peu et trouver un tas de préjugés qui continuent à être programmés après plusieurs génération, hors et dans le tango, n'est-ce pas ? Parce que le tango est un épiphénomène qui apparaît dans notre culture comme une manifestation générée par la parfaite expression de ce qu'est le peuple rioplantense. Après il existe d'autres choses qui ont à voir avec la culture générale du peuple parmi lesquelles le tango fait figure d'une excroissance de plus pour les positions négationistes qui se profilent depuis la fin du 19ème siècle et qui veulent raconter et faire le pays en fonction de leurs caprices.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :
lire l'intégralité de l'article sur Página/12 (édition d'hier)

(1) "La verdeur enragée" dont il est question ici est à prendre au sens sexuel de l'expression. La dimension érotique propre à la danse et à la musique que les esclaves noirs ont apportées avec eux lors de leur déportation en Amérique du Sud et qui a tant choqué les Européens jusqu'à il y a très peu de temps, quand on y pense. Les déhanchements d'Elvis Presley dans les années 50 ont beaucoup choqué les Américains blancs pour deux raisons : ils y voyaient une obscénité d'autant plus insupportables qu'ils appartenaient traditionnellement au vocabulaire chorégraphique noir, donc à des sauvages incapables de respecter la pudeur puritaine propre à la société blanche des Etats-Unis. Jusqu'où va se nicher ce racisme bien pensant typique de la civilisation occidentale dominatrice du 19ème siècle !
(2) Ce qui est une contre-vérité monumentale puisque tous les musiciens de tango savent qu'un des grands axes historiques de la musique du tango, c'est le jeu a la parilla (jeu sans partition), ce qui implique nécessairement une part non négligeable d'improvisation. Le jeu a la parilla était sans doute une des grandes vertus d'un Eduardo Arolas qui a longtemps joué et composé sans connaître l'écriture musicale et s'il n'avait joué que de mémoire, il n'aurait pas composé l'oeuvre qu'il nous a laissé. Mais cette idée permet aux partisans du tango 100% blanc d'en faire une musique qui n'ait rien à voir ni avec le jazz, ni avec le blues, ni avec la musique cubaine.
(3) Une académie en Argentine, cela peut-être une école de proximité, type patronage, comme une institution culturelle de très haut niveau, selon le sens qu'a ce mot en Europe.
(4) Là, je vous soumets une traduction littérale. En bon français, on dit "plus royaliste que le roi".
(5) Un peu plus haut dans l'entretien, Juan Carlos dit qu'il n'avait pas l'intention d'écrire un livre parce qu'il ne sait pas écrire et qu'il a cédé en fait aux instances de Planeta. Ceci dit, Juan Carlos Cáceres est aussi letrista de nombres de ses propres oeuvres, dont une, Tocá Tangó, figure dans mon anthologie bilingue, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, aux éditions du Jasmin (mai 2010).
(6) José María Ramos Mejía (1842-1914) est un psychiatre, un sociologue et un historien argentin, qui fut l'un des pionniers de la psychiatrie en Argentine, bien avant l'arrivée en grand nombre des psychanalyses autrichiens fuyant l'Anschluss de 1938. Il est aussi l'un des ouvriers qui participèrent à sacraliser la vision mitriste de l'histoire argentine. Des hôpitaux, des écoles et des universités portent son nom un peu partout dans le pays. La ville de Ramos Mejía dans le Gran Buenos Aires ne lui doit rien. Elle porte en fait le nom de sa famille (les Ramos Mejía), à laquelle a appartenu cette zone des rives du Río de la Plata à l'époque coloniale.
(7) Tous deux exerçaient alors l'art du payador. L'Argentin Angel Villoldo (1861-1919) est le compositeur de El Choclo et de La morocha argentina, le premier tango arrivé en Europe, à Barcelone, en 1903. L'Uruguayen Arturo De Nava (1876-1932) a laissé son nom à l'histoire uniquement comme celui d'un payador remarquable, juste un peu moins connu que Gabino Ezeiza et José Betinotti qui étaient deux géants de la payada.
(8) Vous pouvez écouter cet enregistrement de El negro alegre, sur le site encyclopédique argentin sur le tango, Todo Tango, dont vous trouverez le lien dans la rubrique Ecouter, dans la partie inférieure de la Colonne de droite.

Pour philatélistes : la nouvelle chronique de Luis Alposta dans Noticia Buena [Troesma]

Comme vous avez pu le lire dans l'un des articles que j'ai publiés jeudi 24 juin, pour les 75 ans de la disparition de Carlos Gardel, Luis Alposta a fourni le motif du timbre que la Ville de Buenos Aires vient d'éditer à l'occasion de cet anniversaire.

Aujourd'hui, Luis publie une nouvelle chronique dans sa page Mosaicos Porteños qu'il tient tous les quinze jours sur le site du journaliste Marcelo Villegas, Noticia Buena : cette nouvelle chronique, il la consacre à la toute première série de timbres qui ait rendu hommage en Argentine à Carlos Gardel. Il s'agissait d'une initiative du tanguero japonais Joji Kanematzu et qu'avec le chanteur-compositeur Edmundo Rivero et le poète et compositeur Enrique Cadícamo, Luis appuya en Argentine à partir de juin 1984 lorsque le pays préparait les célébrations marquant les 50 ans de la mort du Zorzal Criollo. Une année 1985 qui vit aussi la pose du très beau mural fileteado que le Maestro León Untroib a peint pour la station de métro Carlos Gardel, au pied du bâtiment de l'Abasto.

Les trois tangueros Argentins et leur ami japonais présentèrent donc un dossier à la Commission Nationale d'expertise pour l'Emission de timbres commémoratifs, laquelle finit par accepter l'idée et émit en effet trois timbres, dont les motifs furent dessinés respectivement par les fileteadores Severi et Arce, qui exercent toujours, le caricaturiste de presse uruguayen Hermenegildo Sabát, qui vit à Buenos Aires depuis de nombreuses années et travaille à la rédaction de Clarín, et Alonso qui représenta un Gardel tel que le virent les Parisiens au début des années 20, déguisé en gaucho d'opérette (c'était la grande mode de l'exotisme facile et Gardel s'y prêta le temps de se faire connaître).

La chronique de Luis raconte donc cette histoire avec l'érudition discrète dont il fait preuve à chacune de ces petites vignettes que je vous invite à découvrir sur le site, dans une langue très simple, vraiment facile à lire dans le texte.

En illustration audio de cette vignette (vous savez qu'il y a toujours un document audio en bas de la page, un document que Luis tire de sa collection personnelle à la richesse et la variété inimaginables), vous entendrez Carlos Gardel chanter Anclao en París, un tango que lui écrivit Enrique Cadícamo à la demande du compositeur et guitariste Guillermo Barbieri qui a signé la partition. Bien entendu, Anclao en París fait partie de Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, éd. du Jasmin, mai 2010 (page 284).

Un mot encore sur Joji Kamenatzu (en transcription argentine,Yoyi Kamenatz) : grand admirateur de la chanteuse et compositrice Rosita Quiroga, à qui il écrivit un jour son admiration dans un espagnol parfait, il fut, par l'intermédiaire de la chanteuse, qui fut une patiente et une amie de Luis, un ami personnel de ce dernier. Ils se sont connus au Japon lors du premier voyage que Luis fit dans l'archipel. Joji Kamenatzu vécut ses dernières années, en se partageant entre le Japon et Buenos Aires, où il est décédé, comme il l'avait souhaité, et où il est enterré. C'est en très grande partie grâce à son aide que Luis a écrit son passionnant essai historiographique, El Tango en Japón, qui reste aujourd'hui l'unique ouvrage sur l'histoire du genre dans l'archipel nippon (ed. Corregidor, Buenos Aires, 1987). La plaque commémorative qu'ils ont tous les quatre posée sur la tombe de Carlos Gardel, le 24 juin 1985, je l'ai prise en photo en août 2007 et elle illustre l'une des pages de Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, déjà cité, tout comme l'autre photo, que vous trouverez sur la page de Noticia Buena de cette quinzaine, celle qui représente Joji Kamenatzu, Luis, Enrique Cadícamo et Edmundo Rivero, que Luis m'a gracieusement autorisée à reproduire dans mon ouvrage (1).



(1) la photo de groupe, qui en fait n'est pas exactement celle que Luis a choisie pour Noticia Buena mais une autre qui a été prise lors de la même séance de pose près de la tombe de Gardel, à quelques secondes d'intervalle, se trouve à la page 288 du bouquin (dans l'esquina intitulée La traversée du siècle et consacrée à la notice biographique d'un poète, je vous laisse deviner lequel. Franchement, ce n'est pas difficile).
La photo de la plaque commémorative, qui a été apposée sur le côté latéral de la tombe, sur le piédestal de la statue, se trouve à la page 297, dans une esquina qui s'intitule Simple escale technique et dont la clé du titre vous sera suggérée par l'article que j'ai consacré jeudi à la mort de Carlos Gardel, Alfredo Le Pera, son parolier et scénariste privilégié, Guillermo Barbieri et Angel Riverol, deux de ses guitaristes, dans un accident au sol sur un aérodrome colombien. La clé complète du titre est fournie par l'esquina elle-même dans le bouquin (vous ne croyez pas qu'en plus, je vais vous la livrer comme ça !).
Malheureusement, il y a sur cette page et celle qui lui fait face un petit défaut de fabrication. Allez savoir pourquoi, il manque les numéros de page. Mais la page d'avant et la page d'après sont, elles, numérotées. Aucun risque donc de vous perdre dans les 384 pages du livre ni dans le disque Melopea de 22 pistes qui l'accompagne et dont vous avez la description à la page 350 (la table des matières vous permettra d'ailleurs de la retrouver).

La hausse de la mortalité infantile revèle un nouveau scandale à Buenos Aires [Actu]

Où l'on s'aperçoit que plus d'enfants en bas-âge sont morts à Buenos Aires l'année dernière parce que les fonds, qui sont disponibles et qui ont été distribués, ne seraient pas allés aux actions auxquelles ils sont destinés...

Comme presque toujours, c'est Página/12, le quotidien qui s'oppose frontalement à la gestion macriste de la capitale argentine, qui soulève ce nouveau lièvre. Si vous regardez les articles consacrés à la vie politique dans la Ville Autonome de Buenos Aires (mot-clé GCBA, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus), vous allez constater que, depuis un an, les scandales politiques et sociaux se suivent à un rythme accéléré : nomination de Daniel Pastor, avocat partisan de la dictature et de ses sbires à la tête de l'école de police de Buenos Aires, ahurissante nomination d'Abel Posse, écrivain favorable à la Dictature au poste de Ministre de l'Education, inculpation de Mauricio Macri, le propre chef de gouvernement de la Ville Autonome, dans une affaire d'écoutes illégales particulièrement opaque et malodorante, et à présent des fonds nationaux et internationaux qui devraient servir au système de santé et à la protection de la maternité et de la petite enfance et qui sont laissés en déshérence, en particulier au détriment des quartiers sud de la ville, les plus pauvres et les plus défavorisés (voir mon article de mercredi 23 juin 2010 sur ces terribles statistiques officielles pour 2009).

Le scandale est révélé, une fois de plus, par les élus de la Legislatura, qui, aussitôt parues les statistiques alarmantes de la Ville pendant la semaine, ont exigé des explications du Ministère portègne de la Santé.

Ainsi le gouvernement dirigé par Mauricio Macri aurait reçu du Gouvernement fédéral de l'argent issu d'une aide de la Banque Mondiale qui finance un Plan Naître (Plan Nacer) en Argentine et 90% cet argent n'aurait pas été affecté aux hôpitaux et centres de santé participant au Plan Nacer auquel Buenos Aires a pourtant souscrit. Or le Plan Nacer prévoit des mesures de surveillance et d'accompagnement des futures mères, des mères et des enfants de moins de 6 ans dépourvus de protection sociale, ce qui, dans un pays où 40% de l'activité salariée se fait au noir, représente une importante minorité contrainte par le système. Le Plan Nacer prévoit aussi une enveloppe pour que les services sociaux de chaque entitée fédérée, Buenos Aires y compris, aillent chercher les personnes susceptibles de bénéficier du programme, car les habitants sont souvent très mal informés de leurs droits et peuvent donc, par ignorance, ne pas se présenter au centre de santé en mesure de les assister en cas de difficulté (grossesses difficiles, voire pathologiques, grossesses multiples, carences alimentaires, maladies infantiles et saisonnières, problèmes liés aussi au sida). Le Gouvernement portègne aurait aussi reçu neuf ambulances neuves qui n'ont jamais servi parce que jusqu'à présent, les services municipaux ont omis de les faire immatriculer (elles ne peuvent donc pas circuler en ville).

Comble du scandale, on vient de découvrir qu'en plus de son indemnité de ministre, le titulaire du portefeuille de la santé à Buenos Aires, Jorge Lemus, touche aussi 16 000 pesos en qualité d'expert auprès d'une mutuelle.

L'opposition prépare donc une séance corsée de questions au Premier Ministre portègne, Horacio Rodríguez Larreta, pour mercredi prochain...

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 de ce matin.

Spectacle de théâtre en plein air pour célébrer le Bicentenaire [à l'affiche]

Mascaradas de mayo (mascarades de mai) est un spectacle produit par le Teatro Cervantes qui se joue tous les dimanches en plein air dans le centre historique de la ville de Buenos Aires dont il investit, au fil de l'intrigue, les lieux les plus emblématiques, d'abord la Plaza de Mayo, puis le patio du Cabildo et enfin, à quelques centaines de mètres de là, la Manzana de las Luces, l'ancienne maison provinciale de la Compagnie de Jésus, à des horaires qui varieront en fonction des matchs de la Coupe du Monde que jouera l'Argentine (parce que le Bicentenaire et le théâtre, c'est bien joli, mais un match de foot de l'équipe nationale, ce n'est pas de la rigolade, non plus !)

Les comédiens de la pièce, qui retrace les événements de la révolution qui donna son indépendance à l'Argentine, viennent de trois troupes distinctes : La Runfla, le Groupe Caracú et l'école de théâtre de la Manzana de las Luces. Ils sont accompagnés par un ensemble d'instruments à vent et une chanteuse. Le spectacle est une création originale, mise en scène par Héctor Alvarellos, sur un livret de Cristina Escofet et une idée originale de Jorge Gusman. Le public, chaudement habillé (on est entré dans l'hiver et les Portègnes sont frileux), suit le spectacle de lieu en lieu pour revivre l'histoire d'il y a deux cents ans.

L'idée de Gusman est de faire revivre l'histoire non écrite, celle dont on ne parle jamais, celle des esclaves et du petit peuple de Buenos Aires, qu'encadraient et galvanisaient French et Berutti, qui inventèrent la cocarde bicolore symbole patriotique, comme j'ai tenté de vous le raconter dans le feuilleton que j'ai consacré au déroulé au jour le jour des événements révolutionnaires de la Semana de Mayo 1810 du 18 au 25 mai 2010 (à retrouver dans la rubrique Petites chronologies, dans la partie médiane de la Colonne de droite). Tout un volet politique resté marginal jusque dans l'imaginaire populaire et évacué de la mémoire nationale qu'occupent tout entière les images que Bartolomé Mitre a créées et imposées dans son travail d'historien cinquante ans après les faits (voir mes articles sur l'interview de Norberto Galasso, l'historien qui caresse l'histoire officielle à rebrousse-poil, le 22 juin 2010, et sur l'interview de Juan Carlos Cáceres, daté de ce jour).

Página/12 consacre à ce spectacle un article de son supplément culturel d'hier avec un interview de Jorge Gusman qui mérite d'être lue sur le site du quotidien, en vous faisant assister le cas échéant par Reverso, l'outil de traduction en ligne dont vous trouverez le lien dans la rubrique Cambalache (casi ordenado), dans la partie inférieure de la Colonne de droite.

jeudi 24 juin 2010

Edition du timbre commémoratif du 75ème anniversaire de la mort de Gardel illustré par Luis Alposta [Actu]

C'est le poète (et dessinateur) Luis Alposta qui a signé le portrait très sobre de Carlos Gardel que les vieux lecteurs de Barrio de Tango (ce blog) connaissent bien (il illustre ses voeux de bonne année tous les ans) et que les récents lecteurs de Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins (ed. du Jasmin) ont découvert à la page 98, depuis le 3 mai 2010 : une dizaine de traits et Carlos Gardel est là, devant nous.

Le timbre est déjà en vente à Buenos Aires, au bureau de poste de la rue Perón au numéro 300, dans le quartier de Monserrat, aujourd'hui 24 juin 2010, jusqu'à 18h.

Demain, il sera disponible dans tous les bureaux de poste de la ville...

On écoute ici, grâce au site argentin Todo Tango, la voix d'or, déclarée patrimoine de l'humanité, chantant Tiempos Viejos (1), qui a donné son nom au siège que Luis Alposta occupe à la Academia Nacional del Tango depuis 2000...

(1) p 128, dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, ed. du Jasmin, mai 2010. C'est Luis Alposta qui m'a fait l'amitié et l'honneur de rédiger la postface de l'ouvrage, qui y figure en version bilingue espagnol-français.

Hommage de La Nación à Carlos Gardel [Troesma]

Le quotidien libéral et culturel La Nación rend hommage ce matin à Carlos Gardel, dont on célèbre aujourd’hui les 75 ans de la disparition accidentelle et atroce.

En plus de l'article, assez classique, le site du journal met à disposition du public un dossier multimédia en trois volets, Notas, qui présente deux promenades à travers la carrière de Gardel et les lieux qu'il a marqués, où il a vécu, Videos, avec deux interviews dont celle d'un expert aéronautique qui a refait, il y a de nombreuses années, une enquête sur l'accident qui coûta la vie à Gardel et à tous ceux qui l'accompagnaient (c'est lui qui a porté le coup de grâce à la légende de l'attentat et a donné raison au tout premier rapport qui accuse un vent trop fort et habituel sur cet aéroport, aujourd'hui fermé, le surpoids de l'avion et l'inexpérience du pilote) et une chronologie de sa courte carrière (un quart de siècle à peine).

Le quotidien n’a pas trouvé meilleur témoin que Cacho Castaña, un auteur-compositeur interprète de variété, qui a signé deux trucs pas trop mauvais, Café La Humedad et Garganta con arena (un hommage à Roberto Goyeneche, le chanteur, auquel il se compare volontiers et sans peur). C'est l'autre interview du volet Videos. Cacho Castaña, artiste moyen mais très populaire malgré tout, est connu pour son manque de modestie et le manque de lucidité de nombreuses positions publiques, comme l'année dernière où il est parti en croisade pour la peine de mort, après la survenue d'un fait divers qui avait touché une vedette du petit écran. Son interview est insupportable de vanité. Il s'y compare lui-même à Gardel qu'il dit admirer (quelle originalité !) et dont il dit qu'il vient s'asseoir près de lui lorsqu'il est inspiré pour écrire ses chansons... A n'écouter que pour vous faire l'oreille à l'accent particulier des Argentins.

Franchement, il y avait des gens plus intéressants et plus pointus à interviewer un jour comme aujourd'hui. Je ne parle pas que de Horacio Ferrer, à qui tout le monde pense nécessairement. Mais je pense aussi à Horacio Torres, le directeur du Museo Casa Carlos Gardel, à Horacio Salgán, le compositeur de Oratorio Carlos Gardel et je m'en tiendrai là pour ne pas sortir des Horacio...

Pour aller plus loin :
Voir aussi l'enquête de La Nación sur qui est Gardel pour la culture argentine.

Et pour écouter Carlos Gardel (c'est un peu mieux que Cacho Castaña, même si lui a du mal à le croire), voici Tomo y obligo, le dernier tango qu'il ait chanté (c'était à Bogotá, le soir, la veille de l'accident, le 23 juin 1935). Son dernier récital retransmis en direct sur une bonne partie de l'Amérique du Sud par La Voz de la Victor, la grande radio et la grande maison de disques de l'époque. On l'entend ici accompagné par Guillermo Barbieri et Angel Riverol qui moururent avec lui il y a 75 ans.

Hommage de La Nación à Alfredo Le Pera [Troesma]

Gardel (1er plan) et Le Pera (derrière), caricature anomyne publiée aujourd'hui par La Nación

De tous les quotidiens nationaux argentins, c'est La Nación qui évitela grande injustice d'oublier l'autre grand mort de Medellín, sans qui Gardel n'aurait pas été tout à fait le même Gardel que celui que nous connaissons et admirons : son partenaire, parolier et scénariste des trois dernières années, Alfredo Le Pera, né en juin 1900, peut-être le 6 ou peut-être le 3, à Sao Paolo au Brésil, d'un ménage italien. Alfredo Le Pera arriva en Argentine âgé de quelques mois et a grandi en Argentine.

Il a abandonné les études médicales entreprises sur les instances de son père pour faire un carrière de journaliste qui le mena à Paris comme correspondant d'un quotidien argentin. Et c'est à Paris, ou peut-être dans les studios de Joinville, que la Paramount le présenta à Carlos Gardel. On pense que les deux hommes s'étaient connus déjà à Buenos Aires mais c'est à Joinville que se noua leur partenariat artistique. Alfredo Le Pera se vit commander le scénario d'un nouveau film que Carlos Gardel devait tourner en 1932 pour la Paramount qui les réunit encore plus tard, à New York, pour les quatre grands longs métrages musicaux qui contiennentn leurs grands chefs d'oeuvre tangueros. Ces quatre films sont Tango Bar, Cuesta Abajo, El Tango en Broadway, El día que me quieras.

C'est lui qui fut aussi l'organisateur de la tournée fatale où il devait perdre la vie à côté de son ami, un jour d'hiver, sur un petit aérodrome de montagne balayé par des vents trop violents entre Bogotá et Cali.

C'est Gabriel Plaza qui rédige cet article. En voici des extraits :

Hace 75 años, el trágico accidente aéreo en Medellín apagó la vida de Carlos Gardel y Alfredo Le Pera, una dupla que cambió la historia del tango canción para siempre. Para Gardel, esa fatídica muerte, en el punto más alto de su carrera como estrella de cine y cantor popular, fue el salto a la inmortalidad como ícono porteño alrededor del mundo. Para Le Pera, su colaborador más estrecho a partir de la década del treinta, como guionista y letrista de las canciones en los films Cuesta abajo, El tango en Broadway, El día que me quieras y Tango Bar fue la conclusión de un papel secundario tan glorioso como en las sombras.
Gabriel Plaza, La Nación

Il y a 75 ans, le tragique accident aérien à Medellín a éteint la vie de Carlos Gardel et d'Alfredo Le Pera, un duo qui a changé l'histoire du tango-canción [tango à texte] pour toujours. Pour Gardel, cette mort fatidique, au sommet de sa carrière d'étoile de cinéma et de chanteur populaire, fut un saut vers l'immortalité comme icône de Buenos Aires partout dans le monde. Pour Le Pera, son partenaire le plus proche à partir de la décennie de 1930, comme scénariste et auteur des chansons des films Cuesta Abajo, El Tango en Broadway, El día que me quieras et Tango Bar fut la conclusion d'un rôle secondaire aussi glorieux qu'il fut dans l'ombre.
(traduction Denise Anne Clavilier)

Si algún arrepentimiento tengo de haberlos presentado es porque Le Pera le sacó a Gardel la superstición de viajar en avión." Guibourg tenía razón. La sociedad creativa sólo daría buenos resultados. Le Pera desarrollaría una intuición, un lirismo y un oficio para el que se había entrenado toda su vida y volcaría en letras a personajes hechos a medida de Gardel, lo que lo transformaría en una estrella de Hoollywood poco antes de su muerte. Y, lo más importante, decodificaría como nadie la atemporalidad de ese imaginario gardeliano destinado al mito en himnos como "Volver": "Yo adivino el parpadeo/de las luces que a lo lejos van/marcando mi retorno"
Gabriel Plaza citant Edmundo Guibourg, qui pensait avoir présenté les deux hommes à Paris.

Si j'ai des remords de les avoir présentés, c'est parce que Le Pera a enlevé à Gardel sa superstition de voyager en avion.Guibourg avait bien raison. L'association de créateurs n'a donné que des bons résultats. Le Pera allait développer une intuition, un lyrisme et un métier pour lequel il s'était entraîné toute sa vie et allait coucher dans ses textes des personnages faits à la mesure de Gardel, ce qui allait le transformer en une star d'Hollywood (1) peu avant sa mort. Et, le plus important de tou, il a décodifié comme personne l'intemporalité de cet imaginaire gardélien au destin de mythe avec des hymnes comme Volver...
"Je devine le clignement/des lumières qui aux lointains/s'en vont guider mon retour" (2)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Je vous invite à aller lire cet article, comme toujours, en vous faisant aider si besoin est par le logiciel de traduction en ligne Reverso, que vous trouverez dans la rubrique Cambalache (casi ordenado), dans la partie basse de la Colonne de droite.

Vous découvrirez à travers l'article que c'est bien Alfredo Le Pera, plus que Carlos Gardel, qui parle lorsque le chanteur entonne Sus ojos se cerraron (ses yeux se sont fermés). C'est Le Pera qui a vu mourir le grand amour de sa vie, lui qui tenta tout pour la sauver de la maladie qui l'emportait, comme elle emporte, impitoyablement, le premier amour du fils de famille qui rêve de vivre de la musique de El día que me quieras.

Ecoutons ce tango magnifique et poignant, chanté par Gardel, grâce à Todo Tango, comme toujours. Pour en connaître la traduction en français, comme celle de tous les tangos qui illustrent les articles de ce jour, voyez mon livre, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, ed. du Jasmin, mai 2010.

(1) Gabriel Plaza confond ici les deux grands centres cinématographiques des Etats-Unis, celui d'Hollywood sous le soleil de la Californie, et celui de New York. Carlos Gardel n'a jamais joué à Hollywood. Il n'a jamais tourné que sur la côte est, qu'à New York.
(2) Ces trois vers appartiennent à Volver. Tous droits de la traduction en français réservés à l'auteur, Denise Anne Clavilier et à l'éditeur, Editions du Jasmin, mai 2010.

Il y a 75 ans aujourd'hui disparaissait La Voz, qu'on appelait aussi El Mudo [Troesma]

Academia Nacional del Tango, 1er étage.
Au fond, encadrant l'entrée de El Rincón de los Académicos, à droite, le portrait de Gardel, à gauche celui de Juan Carlos Cobián
Au-dessus de la porte au premier plan, le fileteado de Jorge Muscia représentant l'Oratorio Carlos Gardel, où Gardel est flanqué du compositeur et du poète.

Le 24 juin 1935, sur l'aérodrome de Medellín, en Colombie, peu avant 15 h, l'avion, où avaient pris place Carlos Gardel, Alfredo Le Pera, Guillermo Barbieri, Angel Riverol et José María Aguilar, les trois guitaristes du chanteur, ainsi que ses deux secrétaires, celui qui parlait anglais et celui qui parlait espagnol, prenait feu comme une torche, après une collision au sol avec un autre avion, qui arrivait en sens inverse.

Carlos Gardel, Alfredo Le Pera et Guillermo Barbieri moururent sur le coup. Riverol mourut le surlendemain des suites de ses blessures. Aguilar s'en sortit vivant, par miracle, comme le secrétaire anglophone, José Plaja. Mais Aguilar y laissa deux doigts et mourut deux ans plus tard.

Tandis que la nouvelle se diffusait sur tout le continent, du nord au sud et dans toute l'Europe et qu'elle atteignait ainsi Berthe Gardés, la mère de Gardel, alors en vacances dans sa famille à Toulouse, la ville de Medellín veillait toute la nuit les 18 morts de cet accident atroce qu'elle enterra le lendemain.

Les Colombiens firent un beau tombeau à Carlos Gardel, en attendant de savoir ce qu'il adviendrait de son corps, qui ne fut rapatrié, par mesure d'exception, à Buenos Aires qu'en février 1936.

C'était les dernières semaines de sa grande tournée mondiale, la plus longue qu'il avait jamais faite. Il était sur le retour vers Mi Buenos Aires Querido (1), que l'on peut ici l'entendre chanter grâce à Todo Tango.

Invierno del Treinta y cinco
La Muerte quiere saber
a quien mató
Horacio Ferrer, Oratorio Carlos Gardel (musique de Horacio Salgán), 1974

Hiver de 1935
La Mort veut savoir
qui elle a tué.
(traduction Denise Anne Clavilier)

(1) Mi Buenos Aires Querido fait partie des tangos présentés dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, éditions du Jasmin, mai 2010. Pour connaître l'intégralité des oeuvres présentées et traduites, consultez l'article que j'ai consacré à la table des matières. La couverture du livre a été réalisée par Jorge Muscia, dont une oeuvre illustre cet article.

Hommage à Ernesto Sabato pour son 99ème anniversaire [Actu]

Le grand poète et romancier argentin Ernesto Sabato souffle aujourd'hui ses 99 bougies. A cette occasion, il a reçu à midi le Prix José Hernández (1), qui est attribué par l'Institut Culturel de la Province de Buenos Aires. La cérémonie devait se tenir dans l'Auditorium de la Maison de la Province de Buenos Aires, rue Callao 237.

Ernesto Sabato est lui-même bonaerense, puisqu'il est né dans la Province de Buenos Aires, dans la ville de Rojas, le 24 juin 1911. Il a fait ses études (physique et philosophie) à l'Université de La Plata.

L'écrivain a commencé sa vie professionnelle comme physicien à Paris, où il rencontre André Breton et le groupe des poètes surréalistes. Il est revenu vivre en Argentine en 1945 et a tenu un temps un poste de chercheur-enseignant à l'Université de La Plata mais quelques articles hostiles à Perón l'en ont fait exclure. Il abandonna alors sa carrière scientifique pour se donner entièrement à la littérature, une vocation découverte en France.

Etant donné son grand âge, le maître ne devait pas être présent à la cérémonie mais être représenté par son fils et ses petits-enfants.

Pour en savoir un peu plus, lire l'article que La Nación lui consacre aujourd'hui.

(1) l'auteur de la grande épopée gaucha fondatrice de l'identité argentine qu'est Martín Fierro et La Vuelta de Martín Fierro (le retour de Martin Fierro).

Quand le gros titre de Página/12 rend un hommage discret à Carlos Gardel [Troesma]

Et à Celedonio Flores par la même occasion...

y, si alguna deuda chica
sin querer se me ha olvidado,
en la cuenta del otario
que tenés se la cargás.
Celedonio Flores

Et si sans le vouloir,
j’ai oublié quelque petite dette,
Sur l’ardoise de ton tocard,
tu n’as qu’à la fourrer.
(Traduction Denise Anne Clavilier, in Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, © éditions du Jasmin, mai 2010)

C’est l’un des vers de Mano a Mano, l’un des grands succès que chanta et composa Carlos Gardel (1). Ce tango date de 1923. Il fut composé ensemble par Carlos Gardel et José Razzano, son co-duettiste jusqu’en 1925, sur un texte (admirable) de Celedonio Esteban Flores, l’un des tout premiers poètes de tango.

Et ce vers fournit aujourd’hui le titre d’une analyse de la politique financière de désendettement national conduite par Amado Boudou, le ministre argentin de l’Economie, que vous voyez se désaltérer sur fond de rideau rouge. C’est la suite de la querelle qui a opposé cet été la Présidente de la République à l’ancien PDG de la Banque Centrale de la Nation Argentine.
Pour revenir sur ce bras de fer entre Cristina Kirchner et Redrado, qui a aussi donné lieu à une belle citation tanguera (mais de Discépolo, celle-là), relire mes articles sur Redrado.

Pour en savoir plus sur la politique de désendettement, lire l’article de Página/12.
Ecoutez Mano a Mano (nous sommes quittes) chanté par Carlos Gardel grâce à Todo Tango.

(1) Ce grand classique fait partie de mon anthologie bilingue, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, parue aux éditions du Jasmin en mai 2010. Il est à la page 20 du livre.

mercredi 23 juin 2010

Noelia Moncada à nouveau à No Avestruz vendredi soir [à l’affiche]


Le vendredi 25 juin 2010 à 21h30, la chanteuse Noelia Moncada se présente en soliste sur la scène de No Avestruz, rue Humboldt 1857, dans le quartier de Palermo.

Noelia Moncada n’est plus une inconnue pour les lecteurs de ce blog mais pour les autres, qui souhaitent la découvrir, ils peuvent tout d’abord cliquer sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus pour accéder à l’ensemble des articles que j’ai publiés sur elle ici et se connecter ensuite à sa page Myspace ou sur son site, où ils pourront l’écouter chanter...

Comme vous pouvez le constater sur son affiche, elle sera accompagnée des musiciens habituels depuis qu'elle s'est lancée dans cette série de concerts fondés sur le répertoire de son prochain disque.

La mortalité infantile remonte à Buenos Aires [Actu]

Clarín a publié hier soir un article sur un phénomène très alarmant. Deux ans et demi après l’arrivée de Mauricio Macri à la tête du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, voilà que la Direction Portègne des Statistiques délivre un rapport qui montre une poussée de la mortalité infantile qui régressait depuis 5 ans : la moyenne était de 7,3 ‰ (1) en 2008. Il est passé à 8,3 ‰ en 2009.

Mais cette moyenne sur l’ensemble de la ville cache des distorsions géographiques très importantes qui montrent clairement le lien entre pauvreté et mortalité des tout-petits. Les lecteurs fidèles de Barrio de Tango et ceux qui connaissent déjà bien la ville par leurs propres ressources me voient arriver : le taux dans le sud de la ville est largement plus élevé que celui que l'on trouve dans le nord...

Ainsi c’est la comuna 8, le secteur administratif qui regroupe les quartiers de Villa Lugano, Villa Riachuelo et Villa Soldati qui a le plus de mortalité, avec un taux impressionnant de 12,8 ‰, ce qui représente une augmentation de 0,9 ‰ par rapport à 2008. La comuna 9 (Liniers, Mataderos et Parque Avellaneda) est un tout petit mieux lotie avec 11,3‰, ce qui représente tout de même une croissance trois fois plus élevée que l’augmentation moyenne de 2008 à 2009. Faisant un peu mieux encore, la comuna 4, qui regroupe Barracas, La Boca, Pompeya et Parque Patricios, est passée de 9,8 ‰ en 2008 à 10,6 ‰ en 2009.

Au nord, les quartiers riches et patriciens, on trouve les taux les plus bas : la comuna 2 où se trouve le quartier de Recoleta montre un taux presque européen de 5,1 ‰ (ce qui représente tout de même une augmentation de 0,1‰ par rapport à l'année précédente) et la comuna 14, qui est celle de Palermo, a baissé son taux de mortalité infantile : il était de 6,5 en 2008 et de 5,2 en 2009.

Depuis 20 ans, en moyenne annuelle globale, on observait pourtant une baisse régulière de ce taux. En 1990, il était de 16‰. Pendant ces deux décennies, il y eu trois années où le taux remonta : 2002 et 2003, juste après l’effondrement économique général de l’Argentine (décembre 2001), et l’année dernière, qui était la seconde année de la gestion libérale de Mauricio Macri.

Où l’on voit que les cris d’alerte lancés l’année dernière dans les colonnes de Página/12 par différents groupes de militants politiques, sociaux, syndicaux et culturels pour dénoncer l’abandon des hôpitaux, des centres culturels et sociaux, le mauvais entretien des écoles publics dans les quartiers populaires, et la chasse aux sans abris n’étaient pas dénués de fondement...

Pour en savoir plus sur ce sujet : lire l’article de Clarín.
Pour aller plus loin : cliquez sur les mots-clés Economie, niveau vie (niveau de vie ou poder adquisitivo) et GCBA (Gobierno Ciudad de Buenos Aires) dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus. Ce clic vous conduira vers l’ensemble des articles déjà parus sur ce blog et correspond à ces trois thèmes.

(1) En France, en 2008, le taux de mortalité infantile d’après l’INSEE était de 3,8 ‰ et ce taux est stable depuis 2006. Il était de 4,8 ‰ en 1998. Ce taux est plus élevé que celui qui existe en Suède ou en Finlande, qui atteignent 3 ‰.